In Platonis Phaedrum Scholia: 249b2-8
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Σωκράτης
τῷ δὲ χιλιοστῷ ἀμφότεραι ἀφικνούμεναι ἐπὶ κλήρωσίν τε καὶ αἵρεσιν τοῦ δευτέρου βίου αἱροῦνται ὃν ἂν θέλῃ ἑκάστη: ἔνθα καὶ εἰς θηρίου βίον ἀνθρωπίνη ψυχὴ ἀφικνεῖται, καὶ ἐκ θηρίου ὅς ποτε ἄνθρωπος ἦν πάλιν εἰς ἄνθρωπον. οὐ γὰρ ἥ γε μήποτε ἰδοῦσα τὴν ἀλήθειαν εἰς τόδε ἥξει τὸ σχῆμα.
Socrate
Après mille ans les deux groupes arrivent au tirage au sort et au choix de la deuxième vie et chacun choisit selon sa volonté: ici une âme humaine peut passer dans une vie de bête et d'une bête ceux qui étaient avant des hommes, peuvent redevenir des hommes. En effet, l'âme qui n'a jamais vu la vérité ne peut jamais avoir cette forme.
Platon, Phèdre, 249b2-249b8
Ici on a affaire à quelque chose d’étonnant pour nos sensibilités contemporaines: après la fin du cycle, toutes les âmes sont remises sur le même plan. Le fait de monter ou descendre dans la hiérarchie ne dépend pas de ce qu’on a fait dans la vie, mais du choix personnel (ἐθέλω).
Le comportement qu’on a eu pendant la vie est puni ou récompensé tout de suite après, mais à la fin des mille ans, après la punition ou la récompense, tout le monde revient sur le même plan. Pour décider de l’ordre de choix on tire au sort. On peut imaginer qu’il y a un nombre limité de choix - on ne peut pas avoir que des philosophes ou que des athlètes -, on doit donc tirer au sort pour savoir qui choisit en premier; mais tout le monde choisit. Et c’est ce choix qui détermine où on s’incarne ensuite.
Le fait de monter ou descendre dans la hiérarchie est donc le fruit de sa propre connaissance et non de son comportement. Les deux sont liés sans doute pour Socrate, peut-être aussi pour Platon, mais ils restent quand même deux choses distinctes.
C’est à ce moment qu’on peut choisir aussi une vie de bête et qu’une âme qui vient de vivre une vie de bête peut choisir de reprendre une forme humaine. Cependant ce passage n’est pas possible pour tous: seulement pour ceux qui ont déjà été humains.
Il y a donc ici une séparation nette entre animaux et êtres humains. Le mélange impliqué par la réincarnation n’est que très partiel; il y a une essence métaphysique des êtres humains: c’est le fait que leurs âmes ont été, à un certain moment, à la suite d’un dieu. On dirait que ce n’est pas le cas pour les animaux.
Pourtant: d’où viennent les âmes des animaux? Pourquoi n’auraient-elles jamais vu la vérité? Elles font probablement partie du groupe d’âmes qui ne sont pas parvenues à accéder à la vision des idées. Rappelons-nous: d’abord il y a des âmes qui sont capables de suivre le dieu; certaines avec aisance, d’autres avec un peu de mal. Ces âmes, tant qu’elles arrivent à continuer à voir, elles restent à la suite du dieu. Mais évidemment elles peuvent finir par tomber, elles aussi, si jamais, pendant une révolution, elles perdent de vue la vérité. Il y a donc des âmes qui perdent les ailes et tombent mais qui ont vu un peu de vérité.
Il y a d’autres âmes qui n’ont jamais eu accès à la vérité, qui ne sont jamais parvenues à voir. On peut imaginer que les âmes des êtres humains sont celles qui ont, au moins une fois, fait le tour à la suite d’un dieu et qui ont donc déjà vu quelque chose de la vérité. Les âmes des animaux, en revanche, seraient celles qui n’ont jamais rien vu.
Mais dans ce cas, si on suit la loi que Platon vient d’exprimer, les âmes des animaux ne peuvent jamais aspirer à retourner dans l’hyperuranium… Elles resteront pour toujours des âmes d’animaux?
Un autre problème: Platon nous avait dit que lors de la première chute l’âme s’incarne forcement dans le haut de la hiérarchie…. Donc même les âmes qui n’ont rien vu de la vérité s’incarneront dans des êtres humains… Ou alors dans ce passage Platon ne parlait que des âmes qui ont vu quelque chose?
On sait peu de la chute des âmes des animaux, donc. On comprend surtout que Platon adhère à un a priori métaphysique: il y a une différence ontologique majeure entre êtres humains et animaux. Mais cette différence semble plus une petitio principii qu’un véritable argument.