In Platonis Phaedrum Scholia: 248a1-6

Ilissos, matérialité

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Σωκράτης
αἱ δὲ ἄλλαι ψυχαί, ἡ μὲν ἄριστα θεῷ ἑπομένη καὶ εἰκασμένη ὑπερῆρεν εἰς τὸν ἔξω τόπον τὴν τοῦ ἡνιόχου κεφαλήν, καὶ συμπεριηνέχθη τὴν περιφοράν, θορυβουμένη ὑπὸ τῶν ἵππων καὶ μόγις καθορῶσα τὰ ὄντα: ἡ δὲ τοτὲ μὲν ἦρεν, τοτὲ δ᾽ ἔδυ, βιαζομένων δὲ τῶν ἵππων τὰ μὲν εἶδεν, τὰ δ᾽ οὔ

Socrate
En ce qui concerne les autres âmes, la meilleure en suivant le dieu et en l'imitant lève la tête du cocher vers ce lieu extérieur et accomplit la révolution circulaire, mais elle est perturbée par les chevaux et elle regarde avec peine les essences. Mais une autre âme tantôt lève la tête, tantôt elle la baisse et à cause de la violence des chevaux elle voit certaines essences et pas d'autres.

Platon, Phèdre, 248a1-248a6

Toute l’histoire des dieux qui tournent en cercle autour de l’univers avait commencé après que Socrate avait annoncé la nécessité d’expliquer pourquoi les âmes perdent les ailes. C’est la réponse à cette question qui permettra de comprendre la différence entre mortels et immortels: les immortels qui ont corps et âme liés en une unité unique et les mortels pour lesquels âme et corps sont séparés car l’âme est juste “tombée” dans le corps à cause de la perte de ses ailes.

Pour répondre à la question Socrate a commencé par décrire le cortège des dieux - qui semblait une parenthèse très éloignée de la préoccupation initiale. L’élévation théorique et la puissance des images ont été telles que nous avons désormais oublié Socrate et Phèdre, en train de discuter sur l’Ilissos. Le discours a perdu sa situation, ce n’est plus Socrate qui parle, c’est Platon. Et cela correspond justement à l’arrivée d’un discours qui prétend aller au delà de toute matérialité.

Mais revenons aux mots de Platon: les âmes des dieux peuvent arriver sur l’hyperouranion et regarder les essences. Pour les autres c’est plus compliqué. Les chevaux ne sont pas d’assez bonne race. Certaines âmes arrivent quand même à voir quelque chose. Encore une fois la force de la description réside dans sa capacité à évoquer une image bien concrète - et très matérielle: prise par la nécessité de gérer les chevaux, l’âme regarde avec difficulté. Une autre lève et baisse la tête et voit certaines essences et pas d’autres.

La description sent le vécu. Nous avons tous vécu quelque chose de semblable - même si nous n’étions pas sur un attelage: le fait de ne pas être capables de regarder à cause de quelque chose qui nous dérange. Le regard contemplatif n’est possible que si tout va bien et qu’il n’y a pas de problèmes à gérer.

Encore une fois pour parler de métaphysique, Platon a besoin du monde sensible.

Ilissos, matérialité scholia