BRUXELLES, JE T’AIME MOI NON PLUS…

 

Longtemps en tête du train de la démocratie, le Vieux Continent semble aujourd’hui souffrir de nombreux soubresauts pouvant s’avérer, d’ici quelques semaines, néfastes pour son futur politique.

Les fragilités associées à la construction européennes se manifestent de manière récurrente à l’occasion des scrutins locaux et nationaux qui voient le plus souvent l’opinion sanctionner les gouvernements au motif de leur engagement pro-européen.

Sur le chemin des élections

Andrej Kiska a remporté les élections présidentielles en Slovaquie avec 59,4 % des voix à l’issue du second tour de samedi 29 mars 2014. L‘élection d’un milliardaire philanthrope euroconvaincu peut paraître une bonne nouvelle. Par contraste, les Municipales en France ont vu une percée claire du Front National, parti populiste, xénophobe et anti-européen, dont la réédition au moment du scrutin européen ne présage rien de bon. De même, la victoire du parti de Viktor Orban aux législatives en Hongrie ne fait qu’accentuer cette crainte parmi les europhiles.

En conséquence, de nombreux médias s’alarment de cet réussite d’une droite voire extrême-droite européenne aux élections locales. Ne serait-ce pas un premier pas vers la création d’un groupe au Parlement de Strasbourg ? Cela suppose qu’un minimum de 25 députés issus d’au moins 7 États membres se réunissent sous une même bannière.

Choix d’un vote raisonné

Le Parlement européen n’est pas comme un parlement national, les 751 députés qui le composent ne sont pas tenus par les clivages nationaux mais tâchent de produire des consensus entre les sensibilités sociales et culturelles qui s’expriment sur le territoire européen, de sorte que le travail le plus intéressant se fasse en divers commissions parlementaires. En ce sens, le vote pourrait être animé par un idéal à défendre plutôt que par des considérations de politiques nationales.

La manoeuvre européenne du Front National

La raison d’un tel engouement ne s’explique que par la défiance de la part de nombreux électeurs à l’égard d’une politique menée par l’Union européenne qu’ils jugent illisibles. La rhétorique anti-européenne du Front National en France se base principalement sur la nécessité de sortir de la Zone Euro. Mais rappelons que la Zone Euro maintient son cap en dépit des répliques de la crise initiée aux États-Unis.

Pour preuve, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, communément appelé Pacte budgétaire européen, a été signé par 25 États, utilisant la monnaie unique ou ayant intention d’intégrer la zone Euro, et est ratifié ou en cours de ratification dans ces pays. Ne serait-ce pas la preuve d’une confiance en notre monnaie commune ?

Au lieu de l’actuelle co-décision avec le Parlement, élu au Suffrage Universel Direct, le Front National affirme vouloir redonner le pouvoir de décision unique au Conseil Européen (sommet des chefs d’État et de Gouvernement des 28 et Conseil des Ministres réunis par formations sectorielles). Cette double posture obligera tôt ou tard ce parti à choisir entre une vision populiste ou centralisée de la souveraineté.

Cette posture combine l’appel au suffrage du peuple avec la volonté de mettre en échec les pouvoirs délégués aux instances européennes par les parlements nationaux. Comment croire que le Front National puisse se prévaloir du rétablissement de la souveraineté. En effet, les gouvernements représentant une opinion publique qui se sera divisée au sujet de l’Europe pèseront moins que ceux représentés au Parlement européen par des députés capables de parler d’une seule voix. La grande coalition allemande ne sera-t-elle pas l’exemple dans ce cas ? De plus, la construction européenne ne survivrait pas au délitement simultané de ses soutiens dans l’opinion mais n’est-ce pas ce que recherche ce parti ?

Au secours, je rétrécis l’Europe

Le parlementaire français Laurent Wauquiez, vice-président de l’UMP, Ministre des Affaires européennes sous Sarkozy, expose dans son livre récent qu’il désire voir se reformer le « noyau dur » des 6 pays fondateurs du Traité de Rome. Cette thèse de l’Europe « à plusieurs vitesses » réapparait périodiquement lorsqu’un homme politique tente de concilier son engagement européen avec les peurs de ses concitoyens. Selon l’ancien ministre, « l’Europe à 28 a abouti à une Europe qui n’est plus capable de décider. Dans le même temps où on a cette Europe élargie, mais qui doit juste être un lieu d’échange économique, au milieu, il faut reconstruire un noyau dur, dans lequel on est capable de faire des vraies politiques ».

Mais pouvons-nous nous rassurer en espérant que la vie parlementaire déjoue ces tactiques à courte vue ?

S’il en était autrement, le pouvoir de ces députés détracteurs de l’idéal européen sera marginal. Tout laisse penser que leur influence limitée confortera à la longue le travail en commissions effectué par les députés préoccupés de l’avenir de notre continent. Ils sont encore loin de pouvoir prétendre au pouvoir après un putsch électoral. Ces élections ne se révèlent pas moins importantes car elles conditionnent en grande partie les choix de la future Commission européenne.

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