In Platonis Phaedrum Scholia: 268b9-c1

μανθάνω, ἐπιστήμη

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Σωκράτης
εἰ οὖν εἴποι ὅτι ‘οὐδαμῶς: ἀλλ᾽ ἀξιῶ τὸν ταῦτα παρ᾽ ἐμοῦ μαθόντα αὐτὸν οἷόν τ᾽ εἶναι ποιεῖν ἃ ἐρωτᾷς;’

Socrate
Et s'il répondait: "Absolument pas, mais je crois que celui qui apprendra ces choses de moi sera capable de faire ce que tu demandes".

Platon, Phèdre, 268b9-268c1

Un nouvel élément apparaît ici. Il en avait déjà été question, mais ici c’est thématisé pour la première fois: cela devient le centre de la discussion et du débat. C’est l’enseignement. Posséder un art pose aussi la question d’être capable de le transmettre et du sens de cette transmission. Comment peut-on apprendre (μανθάνω)?

L’interlocuteur imaginaire avait dit qu’il serait capable de rendre médecin en transmettant (παραδίδωμι) sa connaissance (ἐπιστήμη). Or on pourrait s’étonner de la place centrale que la question de l’enseignement a dans l’analyse de l’art rhétorique. On pourrait penser que l’enseignement est une question secondaire et qu’il faut d’abord comprendre si la rhétorique est un art et que si elle ne l’est pas ce n’est même pas la peine de s’interroger sur sa transmission. Mais Socrate tient à ce point car l’enseignement a un rôle fondamental pour les sophistes: c’est leur modèle économique. Les sophistes vivent d’enseignement, on l’a déjà souligné. Ils se font payer comme des rois.

Socrate attaque donc les sophistes en disant que l’on ne peut pas enseigner quelque chose que l’on ne sait pas. Et selon lui c’est exactement ce que prétendent faire les sophistes. Même si probablement ils n’affirmeraient jamais rien de semblable, Socrate veut démontrer que c’est exactement ce qu’implique leur attitude: ils connaissent une série de jeux de langage et ils prétendent, en transmettant ces connaissances, ces techniques, faire de leurs élèves des personnes qui connaissent les essences, le bien et le mal.

Il est indéniable qu’il y a un certain effet de répétition dans cette analyse de la rhétorique, car Socrate dit à nouveau ce qu’il avait déjà dit. Il travaille comme en spiral, en reprenant les sujets et en les approfondissant. Ainsi il avait commencé (259e-260d) avec l’exemple de l’âne et du cheval: celui qui ne connaît pas les essences ne peut que faire du mal à ceux qui l’écoutent. Ensuite (260d-262c), il était revenu sur cette capacité de tromper (faire prendre un âne pour un cheval) en démontrant que cela ne serait possible que si on connaissait les essences et leurs petites différences. Donc non seulement si les sophistes étaient capables de tromper ils feraient le mal et pas le bien, mais de fait ils ne seront même pas capables de tromper sans connaître les essences des choses. Maintenant, après avoir montré que le discours de Lysias ne définissait pas l’essence des choses, il reprend l’analyse et se demande si la rhétorique est un art: la réponse est non, car il ne se base pas sur la connaissance des essences. Et c’est seulement maintenant que la question de l’enseignement est thématisée: une série de techniques ne sont pas des véritables connaissances et il est donc inutile de les transmettre. C’est une connaissance morte qui ne transforme pas celui qui l’a. En effet les formulations sont très précises: la transmission peut faire de l’élève un médecin, le transformer en médecin. Or une connaissance scolaire, c’est le point de Socrate, ne transforme pas une personne.

μανθάνω, ἐπιστήμη scholia