In Platonis Phaedrum Scholia: 268c2-4

μαίνομαι, βιβλίον, τέχνη

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Φαῖδρος
εἰπεῖν ἂν οἶμαι ὅτι μαίνεται ἅνθρωπος, καὶ ἐκ βιβλίου ποθὲν ἀκούσας ἢ περιτυχὼν φαρμακίοις ἰατρὸς οἴεται γεγονέναι, οὐδὲν ἐπαΐων τῆς τέχνης.

Phèdre
On dira que cet homme est fou et pour avoir entendu quelque chose d'un livre ou pour être tombé par hasard sur des médicaments, il croit être devenu médecin, mais il ne sait rien de cet art.

Platon, Phèdre, 268c2-268c4

La réponse de Phèdre est d’une grande sagesse. Phèdre semble dire exactement ce que Socrate attend de lui: le fait de connaître des techniques particulières n’équivaut pas du tout au fait de maîtriser un art. La τέχνη n’est pas une série de connaissances techniques, mais un savoir général, théorique, qui permet d’appliquer au bon moment et dans la bonne situation certaines techniques. Un menuisier sait ce qu’est un lit, il ne se limite pas à savoir couper du bois.

Phèdre oppose dès maintenant la connaissance réelle des choses à la connaissance scolaire, celle qui ne change pas la personne qui l’a, celle qui reste superficielle. Et, en anticipant ce qui sera dit à la fin du dialogue, il associe cette connaissance superficielle aux livres. Celui qui dit être médecin seulement parce qu’il sait deux ou trois choses sur quelques médicaments, doit avoir lu un livre (βιβλίον) sur les médicaments… cela ne fait pas de lui un médecin. Il est étrange de trouver cette réplique dans la bouche de Phèdre, qui justement a un livre sur lui et espère devenir orateur en le lisant.

Pour finir il y a une autre chose étrange dans ces mots de Phèdre: la référence au fait d’être fou. Le verbe utilisé est μαίνομαι, qui a déjà été analysé de façon approfondie dans le dialogue. Socrate a dit que le fait d’être fou n’est pas toujours un mal, mais souvent c’est ce qui nous apporte les plus grands biens. Ici le type qui croit être un médecin est fou, dans un sens beaucoup moins noble: il est juste crétin.

On pourrait presque dire que ce verbe utilisé par Phèdre est une revanche du bon sens contre la philosophie qui s’incarne dans les théories de Socrate. Phèdre semble - au premier degré - accorder à Socrate tout ce que le vieil homme lui demande: oui, il n’y a pas de connaissance dans les livres, oui, posséder des techniques ne signifie pas avoir un art… mais alors être fou n’est pas une bonne chose. Tout ce que propose Socrate est fou, finalement, mais alors comment est-ce possible d’accuser de folie celui qui ne fait que suivre la mode et le bon sens commun de la société où il vit? Une société justement où les jeunes riches paient pour être instruits par les sophistes?

L’emploi du verbe μαίνομαι nous fait peut-être comprendre que Phèdre doit encore être convaincu par Socrate, il est encore sceptique et il a dit ce qu’il vient de dire juste par complaisance.

μαίνομαι, βιβλίον, τέχνη scholia