In Platonis Phaedrum Scholia: 244a7-8
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Σωκράτης
εἰ μὲν γὰρ ἦν ἁπλοῦν τὸ μανίαν κακὸν εἶναι, καλῶς ἂν ἐλέγετο: νῦν δὲ τὰ μέγιστα τῶν ἀγαθῶν ἡμῖν γίγνεται διὰ μανίας, θείᾳ μέντοι δόσει διδομένης.
Socrate
Si en effet le délire était simplement quelque chose de mauvais, cela serait vrai: or les plus grands biens pour nous viennent du délire qui nous est donné par un don divin.
Platon, Phèdre, 244a7-244a8
Si la μανία était seulement un mal… Le terme pour exprimer ce “seulement” est en réalité un adjectif: ἁπλόος. Si la μανία était un simple mal. ἁπλόος s’oppose à διπλόος, donc cela signifie non-double. Si la μανία était un mal et si elle était non-double, il serait juste de dire que l’amoureux est à éviter. Mais la μανία est διπλόος. Elle peut avoir quelque chose d’un mal - le manque de raison, on suppose - mais elle a aussi quelque chose de bien.
Plusieurs biens nous dérivent de la μανία et surtout elle est quelque chose de divin. Si elle est divine, elle ne peut donc pas être un péché, elle ne peut pas correspondre à la ὕβρις. Elle est un don des dieux. Un don étrange car c’est un don qui prive celui - ou mieux celle,car on verra qu’il s’agit fondamentalement de femmes - qui le reçoit de soi-même et il le délivre à quelque chose d’autre.
Qu’est-ce que donc la μανία? Elle est toujours quelque chose qui s’empare de la personne et qui la fait sortir d’elle-même. Cela peut être un mal: c’est alors une maladie (Hérodote, par exemple, parle d’un μανίη νοῦσος, une maladie mentale). Mais un dieu peut faire sortir une personne d’elle-même pour la remplir de quelque chose d’autre, quelque chose de divin. Dans ce cas, la personne perd sa propre rationalité, elle perd la tempérance humaine (σωφροσύνη ἀνθρωπίνη on dira, 256b), mais cette perte est récompensée par ce qu’on pourrait appeler enthousiasme: un dieu a mis (ἐνθουσιάω) quelque chose là où avant était la raison de cette personne, et donc maintenant cette personne n’a plus de raison, mais elle parle au nom du dieu.