In Platonis Phaedrum Scholia: 268a7-b6

Éryximaque, Acuménos

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Σωκράτης
εἰπὲ δή μοι: εἴ τις προσελθὼν τῷ ἑταίρῳ σου Ἐρυξιμάχῳ ἢ τῷ πατρὶ αὐτοῦ Ἀκουμενῷ εἴποι ὅτι ‘ἐγὼ ἐπίσταμαι τοιαῦτ᾽ ἄττα σώμασι προσφέρειν, ὥστε θερμαίνειν τ᾽ ἐὰν βούλωμαι καὶ ψύχειν, καὶ ἐὰν μὲν δόξῃ μοι, ἐμεῖν ποιεῖν, ἐὰν δ᾽ αὖ, κάτω διαχωρεῖν, καὶ ἄλλα πάμπολλα τοιαῦτα: καὶ ἐπιστάμενος αὐτὰ ἀξιῶ ἰατρικὸς εἶναι καὶ ἄλλον ποιεῖν ᾧ ἂν τὴν τούτων ἐπιστήμην παραδῶ,’ τί ἂν οἴει ἀκούσαντας εἰπεῖν;

Socrate
Dis-moi: si quelqu'un se présentant à ton ami Éryximaque, ou bien à son père Acuménos lui disait: "moi je sais administrer aux corps des substances capables de les réchauffer ou de les refroidir, si je veux, et si j'en ai envie à les faire vomir, ou sinon les faire sortir par le bas, et plein d'autres choses de ce genre: et étant capable de faire ces choses, je suis digne d'être un medécin et de rendre tel quelqu'un si je lui transmets cette connaissance', que diraient-ils en entendant cela?

Platon, Phèdre, 268a7-268b6

Socrate commence donc l’analyse de l’“art” rhétorique, une nouvelle fois. Le but c’est encore de démontrer qu’il ne s’agit pas d’un art. Socrate va donc montrer à Phèdre que son discours précédent, avec la liste des figures rhétoriques, n’était pas sérieux, il fallait comprendre qu’il était ironique et que, loin d’être un éloge de cet art, il en était une critique féroce.

Pour ce faire il s’éloigne de la rhétorique pour se tourner vers d’autres arts et l’art le plus paradigmatique est - était à l’époque et reste peut-être aussi aujourd’hui - la médecine.

La situation imaginée par Socrate met en jeu deux médecins: Éryximaque et son père Acuménos. Il avait déjà été question du second qui est le père du premier. Phèdre l’avait évoqué au tout début du dialogue pour citer un de ses préceptes: marcher c’est bien pour la santé.

Socrate demande à Phèdre d’imaginer que quelqu’un aille voir des médecins reconnus, donc, en listant des connaissances. C’est exactement ce qu’il vient de faire en listant les figures rhétoriques: une exposition de son érudition qui consiste concrètement à connaître le nom d’une série de “techniques”. De la même manière l’interlocuteur imaginaire d’Ériximaque et Acuménos les interpelle en listant des “techniques”. Il sait utiliser des techniques. Il sait provoquer des effets avec des médicaments. Comme l’orateur qui est capable de faire des discours courts ou longs, de faire pleurer ou de faire rire… de la même manière cette personne sait provoquer des effets sur les corps en utilisant des substances particulières.

Cette connaissance lui fait croire deux choses: la première qu’il est un médecin et la seconde qu’il est donc capable de faire devenir médecin quelqu’un qui suive son enseignement. C’est, encore une fois, exactement la prétention des sophistes: d’avoir un art et d’être capables de le transmettre.

L’art ici considéré comme un grand bien: c’est quelque chose dont on peut être digne (ἀξιόω). La question de Socrate est de savoir si l’ensemble de connaissances listées (pour la rhétorique comme pour la médecine) sont les connaissances nécessaires et - surtout - suffisantes pour prétendre avoir un art.

L’appel à l’autorité est ici le pivot de l’analyse: Socrate demande à Phèdre de se mettre dans la peau des deux médecins reconnus pour essayer de deviner leur réaction. La question n’est pas de savoir ce que Phèdre ou Socrate pensent qu’est la médecine, mais de savoir ce que deux qui sont médecins - et que tous considèrent des médecins - pensent qu’est cet art qu’ils possèdent.

Éryximaque, Acuménos scholia