In Platonis Phaedrum Scholia: 268a4-6

ἤτριον, διίστημι

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Σωκράτης
ἔχει γάρ. ἀλλ᾽, ὦ δαιμόνιε, ἰδὲ καὶ σὺ εἰ ἄρα καὶ σοὶ φαίνεται διεστηκὸς αὐτῶν τὸ ἤτριον ὥσπερ ἐμοί.
Φαῖδρος
δείκνυε μόνον.

Socrate
Elles en ont en effet. Mais, mon divin ami, regarde bien s'il te semble, comme à moi, que leur tissu est décousu.
Phèdre
Tu n'as qu'à me le montrer.

Platon, Phèdre, 268a4-268a6

Socrate délivre une dernière affirmation ironique: bien sûr que ces choses ont un pouvoir! Il est évident qu’il veut dire le contraire: le pouvoir qu’on attribue à cet “art” est un non pouvoir. Il n’est un pouvoir que pour ceux qui veulent bien en accorder un a priori, sans passer par une analyse attentive. Et en effet la phrase de Socrate est un oxymoron: la rhétorique a sans doute un énorme pouvoir, mais c’est du n’importe quoi.

Son tissu (ἤτριον) est décousu (διίστημι), il tient pas. Comment serait-ce possible qu’un tissu qui s’effiloche ait un pouvoir quelconque? La métaphore du tissu nous dit que pour avoir un pouvoir, une δύναμις, une chose doit avoir des caractéristiques cohérentes, elle doit, matériellement, “tenir”. Comme si on devait pouvoir tirer dessus pour vérifier que c’est solide, que ça reste en place. Un tissu décousu peut sembler un tissu si on le regarde sans le toucher: il semble tenir et avoir les caractéristiques et les propriétés d’un tissu. Sans une analyse attentive, un ensemble décousu de fils peut sembler un tissu. Mais cette apparence est trompeuse, justement parce que cet ensemble déstructuré de fils n’a pas les propriétés d’un vrai tissu.

On est dans un cas semblable à celui de l’âne et du cheval: on peut se tromper et penser qu’un âne est un cheval, mais si ensuite on essaie d’utiliser l’âne comme un cheval - par exemple pour aller à la guerre - on va se rendre compte que l’âne n’est pas un cheval, car il n’a pas les caractéristiques et les propriétés (la δύναμις), d’un cheval. L’essence est liée directement à la δύναμις et sans connaître l’essence, en se basant exclusivement sur l’apparence, on ne peut pas connaître les capacités et les propriétés d’une chose.

ἤτριον, διίστημι scholia