In Platonis Phaedrum Scholia: 227a2-9

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Φαῖδρος
παρὰ Λυσίου, ὦ Σώκρατες, τοῦ Κεφάλου, πορεύομαι δὲ πρὸς περίπατον ἔξω τείχους: συχνὸν γὰρ ἐκεῖ διέτριψα χρόνον καθήμενος ἐξ ἑωθινοῦ. τῷ δὲ σῷ καὶ ἐμῷ ἑταίρῳ πειθόμενος Ἀκουμενῷ κατὰ τὰς ὁδοὺς ποιοῦμαι τοὺς περιπάτους: φησὶ γὰρ ἀκοπωτέρους εἶναι τῶν ἐν τοῖς δρόμοις.

Phèdre
De chez Lysias, Socrate, le fils de Céphale, et maintenant je m'en vais faire une promenade à l'extérieur des murs; en fait j'ai passé là-bas beaucoup de temps, assis, depuis ce matin tôt. Convaincu par notre ami commun Acuménos, je fais ma promenade sur les routes: il dit que cela redonne plus de vigueur que les promenades sous les portiques

Platon, Phèdre, 227a2-227a9

D’où il vient, Phèdre le dit rapidement, cela ne semble pas l’intéresser particulièrement - Socrate l’obligera ensuite à revenir sur cette provenance. De chez Lysias, fils de Céphale. Mais ce qui semble être très important pour lui c’est sa destination qui n’a pourtant rien d’intéressant, à première vue: il va faire une promenade (πορεύομαι δὲ πρὸς περίπατον). Il va se promener à l’extérieur des murs de la ville (ἔξω τείχους), à la campagne. Il fait une promenade salutaire, comme le conseille leur ami médecin. Acuménos est par ailleurs le père d’Éryximaque, personnage du Banquet, lui aussi médecin, et un autre médecin viendra dans quelques lignes, lui aussi pour recommander l’exercice physique.

Phèdre entretient Socrate avec sa santé: il a été beaucoup assis (καθήμενος) chez Lysias et maintenant il faut marcher pour rester en santé, pour faire disparaître la lassitude. Deux modes de pensée commencent à se configurer: en mouvement, en plein air (sur les routes κατὰ τὰς ὁδοὺς) et de l’autre côté assis dans une maison. L’activité physique est protagoniste ici ce qui met, encore une fois, la matérialité au centre.

L’opposition entre être assis et marcher est suivie par une deuxième opposition: celle entre marcher au couvert et marcher à l’extérieur - et à l’extérieur de la ville. Encore une fois l’interprétation métaphorique pourrait sembler la plus naturelle: une pensée qui se confronte avec l’extérieur, d’un côté, et de l’autre une pensée qui reste en lieu sûr, à l’intérieur, sans courir le risque de se confronter à l’altérité. Interprétation un peu trop contemporaine, certes, mais sans doute prometteuse.

Mais ici aussi la métaphore ne doit pas faire oublier le premier degré qui a une importance fondamentale: il est question d’espaces concrets et ce sont ces espaces concrets qui permettent l’émergence du discours. Peut-être mieux: l’espace et le discours ne sont qu’une seule chose. Et là la tension entre Phèdre et Socrate, s’il y en a vraiment une, est loin d’être facile à résoudre. Le Phèdre est un dialogue ambigu, où souvent deux positions contradictoires coexistent sans une véritable solution: antimatérialisme et matérialisme sont les deux pôles d’une de ces contradictions. Une autre opposition, celle entre intérieur et extérieur nous met aussi devant l’ambiguïté: penser dans la ville ou à la campagne? Quelle est la “meilleure” pensée? Dans quelques répliques, Socrate dira qu’il préfère rester en ville. Intérieur et extérieur deviennent deux pôles entrecroisés. Tout jugement manichéen devient déjà impossible à la deuxième ligne du Phèdre.

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