In Platonis Phaedrum Scholia: 227a1

Lire les autres billets de la série

Platon, Phèdre, 227a1-227a1

Je sens l’air chaud d’Athènes sur ma peau quand je lis cet incipit du Phèdre et la poussière un peu caillouteuse sous les pieds nus. Je suis là, sur la route, dans cette journée à la fin du Ve siècle av. J.C. Car, si le dialogue est évidemment fictif et que Platon ne se soucie même pas de sa vraisemblance historique (il n’est pas possible de trouver une date précise pour la diègese, car Lidias est retourné à Athènes en 412 et Phèdre avait été exilé trois ans avant), le texte a une capacité remarquable de rendre la situation vivante, on pourrait presque dire présente.

Le Phèdre s’ouvre avec une question familière, quotidienne, banale. Deux amis qui se rencontrent: “salut, ça va? tu fais quoi?”. Mais Socrate ne demande pas à Phèdre s’il va bien: il lui demande où il va et d’où il vient. Les interprétations éthiques et métaphysiques de cette petite phrase ne manquent pas. Hermias est le premier¹. Il est facile de reconnaître dans ces deux adverbes interrogatifs les questionnements existentiels les plus profonds: où vais-je, d’où viens-je? Cela est sans doute vrai: Socrate pose immédiatement, en disant bonjour, une question existentielle.

Mais ce n’est pas ce que je ressens en premier. Il y a un appel à une situation matérielle, à un espace, une place concrète: nous sommes là, les pieds sur cette route, nous marchons. Mais où vas-tu, vers où concrètement te déplaces-tu et d’où viens-tu? Les lieux, les vrais lieux, les lieux matériels, physiques comptent. Le Phèdre est le dialogue de la matérialité, c’est ainsi que je le lis. La matérialité des lieux, la matérialité de l’amour, la matérialité de la philosophie et la matérialité de l’écriture.

Et c’est pour ces raisons qu’il commence par se situer dans un espace physique: Où? Depuis où?