In Platonis Phaedrum Scholia: 244a3-6
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Σωκράτης
λεκτέος δὲ ὧδε, ὅτι οὐκ ἔστ᾽ ἔτυμος λόγος ὃς ἂν παρόντος ἐραστοῦ τῷ μὴ ἐρῶντι μᾶλλον φῇ δεῖν χαρίζεσθαι, διότι δὴ ὁ μὲν μαίνεται, ὁ δὲ σωφρονεῖ.
Socrate
Il doit dire que le discours qui dit que, devant un amoureux, il faut plutôt se donner à quelqu'un qui n'aime pas car le premier délire et le second est tempérant n'est pas vrai.
Platon, Phèdre, 244a3-244a6
La palinodie commence par rappeler la thèse fondamentale des deux discours précédents et la nier. Mais la formulation de cette thèse n’est pas anodine: les deux discours, dit Socrate, ont soutenu qu’il est préférable de se donner à un non amoureux plutôt qu’à un amoureux parce que le second délire tandis que le premier est rationnel.
En effet, on pourrait convenir que c’est le fond des deux discours. Mais les mots utilisés ne sont pas exactement les mêmes et il y a un concept que Lysias n’a jamais utilisé et que Socrate, dans son premier discours, a juste mentionné en passant une fois: le concept de μανία.
C’est l’introduction de ce concept - qui remplace celui de ὕβρις dans l’opposition avec σωφροσύνη - qui change complètement les arguments du raisonnement. Socrate avait parlé de μανία vers la fin de son discours en disant que quand l’amoureux n’est plus amoureux il change de maîtres et il remplace avec la raison et la tempérance l’amour et la folie (νοῦν καὶ σωφροσύνην ἀντ᾽ ἔρωτος καὶ μανίας).
Or, si la ὕβρις semble être un concept nécessairement négatif, la μανία renvoie à une idée plus complexe et ambigüe. Déjà elle ne comporte pas une violation de l’ordre naturel - ce qui caractérise en premier lieu la ὕβρις. La μανία n’est donc pas un péché, elle n’a rien d’impie.
Changer les termes en jeu est astucieux et pas très correct de la part de Socrate. Le résumé de la thèse des deux discours est en réalité trompeur et il faudrait le corriger. Lysias avait soutenu que les amoureux sont malades (νοσέω). Il avait en effet opposé la raison à la maladie. L’amour est donc une maladie grave dont même les experts ne peuvent libérer le malade. Socrate avait repris un argument semblable mais en le changeant quelque peu. Lors de ses négociations avec Phèdre il avait dit qu’on ne pourrait pas trouver des arguments complètement différents de Lysias car la base serait toujours de “louer le bon sens de l’un et blâmer la folie de l’autre” (τοῦ μὲν τὸ φρόνιμον ἐγκωμιάζειν, τοῦ δὲ τὸ ἄφρον ψέγειν). La maladie avait déjà disparu au profit de cette opposition entre τὸ φρόνιμον et τὸ ἄφρον (rationalité et irrationalité, bon sens et folie). Mais ensuite dans son discours tout s’est fondé sur l’opposition entre tempérance et démesure - comme principes fondamentaux qui règlent l’âme humaine.
Maintenant tout cela disparaît. Se prépare une autre vision des choses. Dans le signe de la μανία.