In Platonis Phaedrum Scholia: 243c2-10
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Σωκράτης
εἰ γὰρ ἀκούων τις τύχοι ἡμῶν γεννάδας καὶ πρᾷος τὸ ἦθος, ἑτέρου δὲ τοιούτου ἐρῶν ἢ καὶ πρότερόν ποτε ἐρασθείς, λεγόντων ὡς διὰ σμικρὰ μεγάλας ἔχθρας οἱ ἐρασταὶ ἀναιροῦνται καὶ ἔχουσι πρὸς τὰ παιδικὰ φθονερῶς τε καὶ βλαβερῶς, πῶς οὐκ ἂν οἴει αὐτὸν ἡγεῖσθαι ἀκούειν ἐν ναύταις που τεθραμμένων καὶ οὐδένα ἐλεύθερον ἔρωτα ἑωρακότων, πολλοῦ δ᾽ ἂν δεῖν ἡμῖν ὁμολογεῖν ἃ ψέγομεν τὸν ἔρωτα;
Socrate
Si par hasard quelqu'un avec une sensibilité noble gentille, qui aimait quelqu'un d'autre du même caractère, ou qui l'avait aimé auparavant, nous entendait dire que pour des petites choses les amoureux se font saisir par des grandes inimités et se comportent avec le jeune aimé de façon envieuse et nuisible, comment n'aurait-il pas pensé écouter quelqu'un qui ait grandi au milieux des marins et qui n'ont jamais connu le vrai amour, et ne serait-il pas très loin d'être d'accord avec nous sur les critiques que nous adressons à l'amour?
Platon, Phèdre, 243c2-243c10
Il n’y avait donc personne à la sensibilité noble et gentille qui écoutait les discours. C’est un pic contre Phèdre - que Phèdre ne saisit pas. Si par hasard il n’y avait pas que des simplets comme toi à écouter ces discours…, mais quelqu’un à la sensibilité noble et gentille.
Ensuite Socrate cite deux passages des discours précédents: celui du discours de Lysias où l’on parle du fait que pour un rien les amoureux peuvent devenir très méchants et celui, de son discours, où l’on conclut que les amoureux ne sont portés que par l’envie et donc ne font que nuire à leur aimé. Ces discours ne sont pas élégants, mais vulgaires, comme les discours des marins (ναύτης).
L’observation de Socrate est évidemment le signe d’une société très élitiste où les grands sentiments ne peuvent être éprouvés que par les classes supérieures, les aristocrates, et certainement pas par les lus pauvres. Les marins dans la perception de Socrate n’ont rien de l’image qu’en construiront les romantiques, ce sont des travailleurs pauvres et ignorants. L’amour est réservé seulement aux âmes éduquées.
On revient donc à l’opposition - qui avait pourtant été critiquée - entre urbain (ἀστεῖος) et campagnard, déclinée sous une autre forme. Le marin n’est pas urbain, il n’est pas élégant et il ne peut donc pas comprendre des choses subtiles. Est-ce que Socrate croit à ce qu’il dit ou est-ce qu’il est juste en train d’essayer de provoquer la réaction de Phèdre? Il essaye peut-être d’affirmer quelque chose qui puisse parler à son jeune ami qui se veut éduqué et raffiné et qui ne veut certes pas être pris pour un marin…