In Platonis Phaedrum Scholia: 241b4-c7

φυγάς, ὄστρακον, ἀνάγκη

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Σωκράτης
φυγὰς δὴ γίγνεται ἐκ τούτων, καὶ ἀπεστερηκὼς ὑπ᾽ ἀνάγκης ὁ πρὶν ἐραστής, ὀστράκου μεταπεσόντος, ἵεται φυγῇ μεταβαλών: ὁ δὲ ἀναγκάζεται διώκειν ἀγανακτῶν καὶ ἐπιθεάζων, ἠγνοηκὼς τὸ ἅπαν ἐξ ἀρχῆς, ὅτι οὐκ ἄρα ἔδει ποτὲ ἐρῶντι καὶ ὑπ᾽ ἀνάγκης ἀνοήτῳ χαρίζεσθαι, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον μὴ ἐρῶντι καὶ νοῦν ἔχοντι: εἰ δὲ μή, ἀναγκαῖον εἴη ἐνδοῦναι αὑτὸν ἀπίστῳ, δυσκόλῳ, φθονερῷ, ἀηδεῖ, βλαβερῷ μὲν πρὸς οὐσίαν, βλαβερῷ δὲ πρὸς τὴν τοῦ σώματος ἕξιν, πολὺ δὲ βλαβερωτάτῳ πρὸς τὴν τῆς ψυχῆς παίδευσιν, ἧς οὔτε ἀνθρώποις οὔτε θεοῖς τῇ ἀληθείᾳ τιμιώτερον οὔτε ἔστιν οὔτε ποτὲ ἔσται.

Socrate
Il s'en fuit donc de ces situations et en trompant par nécessité celui qui a été son aimé, il retourne les coquillages, en changeant de rôle, il se met en fuite; et l'aimé est obligé de le poursuivre en le maudissant tout fâché, car du début à la fin il n'a jamais compris qu'il ne devait pas se donner à quelqu'un qui l'aimait et qui donc était nécessairement fou, mais plutôt à quelqu'un qui ne l'aimait pas et qui avait sa raison: autrement il aurait été nécessaire qu'il finisse avec un homme pas fiable, désagréable, jaloux, dégoutant, nuisible pour ses biens, nuisible pour l'éducation de son corps, mais encore plus nuisible pour l'éducation de son âme dont rien n'est ni sera plus précieux pour les hommes comme pour les dieux.

Platon, Phèdre, 241b4-241c7

La fuite devient nécessaire. L’ex-amoureux ne peux que fuir pour ne pas devoir rendre compte de ce qu’il n’est plus. On assiste donc à un retournement de rôles qui est décrit par Socrate en faisant allusion au jeu des ostracons. Il s’agit d’un jeu où on lance un coquillage et selon le côté sur lequel il tombe un groupe de joueurs poursuit l’autre ou l’inverse; une sorte de pile ou face qui fait inverser une situation de chasse: le chassé devient chasseur.

Le rôles s’inversent donc, l’aimé, qui était chassé, devient chasseur, il est obligé de poursuivre son ex-amoureux qui s’en fuit. Et on a encore une nécessité. Dans ce paragraphe le mot apparaît quatre fois (ὑπ᾽ ἀνάγκης, ἀναγκάζεται, ὑπ᾽ ἀνάγκης, ἀναγκαῖον): la trahison est une nécessité pour l’ex amoureux, la poursuite est une nécessité pour l’aimé, la folie est une nécessité pour l’amoureux, le fait de ne pas être fiable est une nécessité pour l’amoureux.

L’ensemble de ces nécessités est rappelé ici en conclusion du discours pour souligner qu’on a bien démontré, de façon logique et inattaquable, la thèse initiale: on doit se donner à quelqu’un qui n’aime pas plutôt qu’un amoureux. Socrate remet donc cette thèse à la fin, après cette série de nécessités qui en confirment la validité absolue.

Encore une fois, si on analyse de près la nature de ces nécessités, on se rend vite compte de leur relative faiblesse. Ce qui compte ici pour Socrate c’est de montrer la structure logique qu’un discours devrait avoir. L’amoureux devient l’inverse de ce qu’il devrait être: au lieu qu’apporter des bénéfices, il détermine la ruine de l’aimé. Il est intéressant de voir que dans la structure du discours, la conclusion arrive avec le retournement final de l’amoureux qui devient non amoureux et qui retrouve sa raison. Il y a donc une certaine ambigüité, car parmi les raisons qui rendent l’amoureux nuisible (βλαβερός), il y a le fait qu’il puisse devenir non-amoureux. Mais n’est-ce pas justement la situation du parlant? Lui qui affirme ne pas être amoureux? Est-ce que Socrate est vraiment en train de dire que la raison peut être - même si indirectement - nuisible?

φυγάς, ὄστρακον, ἀνάγκη scholia