In Platonis Phaedrum Scholia: 236a8-b4

ἰσομέτρος, μετρίως, Borée

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Φαῖδρος
συγχωρῶ ὃ λέγεις: μετρίως γάρ μοι δοκεῖς εἰρηκέναι. ποιήσω οὖν καὶ ἐγὼ οὕτως: τὸ μὲν τὸν ἐρῶντα τοῦ μὴ ἐρῶντος μᾶλλον νοσεῖν δώσω σοι ὑποτίθεσθαι, τῶν δὲ λοιπῶν ἕτερα πλείω καὶ πλείονος ἄξια εἰπὼν τῶνδε Λυσίου παρὰ τὸ Κυψελιδῶν ἀνάθημα σφυρήλατος ἐν Ὀλυμπίᾳ στάθητι.

Phèdre
Je suis d'accord avec ce que tu dis: tu parles en effet de façon équilibrée. Voici ce que je ferai, donc: je t'accorderai comme base de ton discours le fait que l'amoureux est plus malade de qui n'est pas amoureux; pour le reste si tu parleras plus et mieux que Lysias tu te dresseras travaillé au marteau à Olympie à côté de l'offre des Cypsélides.

Platon, Phèdre, 236a8-236b4

On revient sur la question de la mesure: Phèdre demandait des conditions précises et mesurables, il voulait que le discours puisse être pesé (du même poids… ἰσομέτρος). Puis il a dit quelque chose de démesuré: l’offre en or était exagérée. Socrate revient sur les conditions et souligne la démesure de Phèdre en précisant ultérieurement les conditions. Et maintenant Phèdre semble satisfait: Socrate a parlé de façon mesurée (μετρίως). Il est intéressant de remarquer que la question de la mesure avait été évoquée aussi en parlant de la brise (πνεῦμα μέτριον, justement) opposée au fort vent de Borée.La brise caractérsait le lieu choisi par les deux personnages pour s’arrêter et écouter le discours de Lysias. Mais ce même lieu semblait être celui qui avait vu Borée enlever Orithye. Encore une fois nous sommes donc face à cette tension entre modération et démesure: la démesure de l’amour fou et la modération du non amoureux, la douceur de la brise et la violence de Borée, les affirmations équilibrées et les affirmations exagérées.

Et toute de suite, dans la même phrase, Phèdre revient lui aussi à la démesure: il accorde à Socrate d’utiliser l’argument principal de Lysias, car c’est une demande raisonnable, équilibrée et modérée, mais il relance ensuite un pari irréaliste: dresser une statue faite au marteau - par opposition aux statues en métal fondu - dans le temple d’Héra à Olympie, là où se trouve l’offre (ἀνάθημα) des descendants de Cypsélos (un des sept sages). L’offre de Phèdre - on ne spécifie pas le métal cette fois, est-ce de l’or? - a une valeur symbolique peut-être même plus grande que la première: il ne s’agit pas de donner de l’or pour payer un tort, mais de dresser une statue de Socrate lui-même: tu te dresseras en métal battu à côté des dieux.

On a comme l’impression qu’il est impossible d’atteindre une situation de modération réelle, on reste dans le paradoxe et dans la surenchère à chaque fois qu’on essaie d’expliciter des conditions réalistes à respecter. Peut-on finalement mesurer les discours? Il y a ici une double question: d’une part la question de la possibilité de produire un discours mesuré, équilibré, sans exagérations. De l’autre celle de peser un discours, de le mesurer comme quelque chose d’objectif, de matériel. Ce sont deux questions au centre du dialogue: trouver un discours mesuré - et donc juste et vrai - sur l’amour et mesurer les discours dans leur dimension matérielle.

ἰσομέτρος, μετρίως, Borée scholia