Les réseaux sociaux ont-ils eu la portée espérée dans les grands débats européens ? Sans aucun doute, on peut voir que les élections européennes ont largement été couvertes sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête. Quant à l’influence qu’ils auraient pu avoir sur les grand débats européens, l’actualité des ces dernières semaines nous laisserait en douter. Il n’y a pas si longtemps, les campagnes s’accompagnaient de tracts distribués sur les marchés de la circonscription. Pour ces élections, le mode de communication 2.0, à travers des messages courts mais postés en instantané, s’est manifesté plus que jamais alors que s’essoufflaient les traditionnels porte-à-porte ou conférences de presse. Cette nouvelle ère des campagnes électorales numériques, avec des publications sur les réseaux sociaux, complète la palette pour convaincre les électeurs, mais révèle également les failles d’une communication et d’une information jugée inadéquate à convaincre.
L’Europe citoyenne et numérique
2013 consacrée Année européenne des citoyens a vu la multiplication des « dialogue citoyens », débats organisés à travers toute l’Europe sous l’égide de la Vice-Présidente de la Commission européenne, Viviane Reding. Destinés à ceux qui veulent s’impliquer davantage dans les débats politiques européens, ces rassemblements ont orienté, à travers les tweets postés en instantané, le discours vers des thèmes qui n’auraient pas été forcément abordés sur les plateaux télévisés.
Afin de mieux répondre aux doléances des citoyens européens et pour les inciter à voter en vue des élections visant à renouveler les 751 députés qui siègeront au Parlement de Strasbourg, l’implication des réseaux sociaux dans ces débats s’est caractérisée par l’apparition de nouvelles pages Facebook et compte Twitter. C’est une nouvelle ère pour la communication directe, courte (dans le cas de Twitter pas plus de 140 caractères) et souvent ciblée par le biais des hashtags # (servant à catégoriser la publication). La page Facebook European Parliament permet de tenir au courant ses abonnés des activités du Parlement tandis que le compte Twitter Européennes 2014 (@EEPP2014) fait un état des lieux réguliers des sondages et intentions de votes par liste. On peut également remarquer entre deux clics que de nombreux eurodéputés (400 sur 766) se sont désormais mis à la page du numérique en détaillant eux-mêmes leur activité. Ils sont suivis par un total de 2 millions de personnes.
Échec de l’information et de la communication sur l’Union européenne
Voulue « différente, cette fois-ci », la campagne de communication du Parlement européen a vite révélé, au lendemain du scrutin, des différences qui n’apparaissaient effectivement pas au grand jour. Ce ne sont pas de bonnes nouvelles pour l’information et la communication sur l’Union européenne.
L’information sur la campagne électorale européenne dans les médias traditionnels a permis de dégager deux conclusions déjà bien ancrées dans l’opinion. D’une part, les quelques médias européens restent de côté et ne ciblent qu’une population élitiste minoritaire. Une information européenne s’est fait attendre mais n’a pas eu la percée médiatique espérée. D’autre part, dans les États membres, force est de constater que les médias dominants sont peu enclins à traiter les thématiques européennes. En d’autres mots, le journalisme européen ne sort pas vainqueur de cette campagne. À défaut d’information européenne, les médias nationaux se sont cantonnés à des sujets — classement des députés européens faisant acte de présence à Strasbourg ou classement des partis politiques selon leurs intentions de vote — confortant les citoyens dans leur rejet de l’Union. Pour les citoyens impliqués, il y a bel et bien les réseaux sociaux qui affichent des informations claires.
Au lendemain des élections, difficile de ne pas voir ce qui a fait défaut à la campagne de communication des politiques. Les deux défauts à tirer de la communication politique européenne sont les suivants. La compétition des partis politiques européens pour la présidence de la Commission européenne, campagne officieusement sous-jacente à l’élections des députés européens, n’a pas réussi à toucher ceux se tenant à l’écart des milieux européens. Quant aux campagnes nationales, elles se sont trop attachées à espérer pouvoir changer la construction européenne. Ainsi, la promotion de votes en faveur de partis aux positions plus tranchées fut évidemment et simplement la conclusion de cette campagne. Autrement dit, les institutions européennes voulaient proposer une campagne électorale paneuropéenne portées par les partis politiques européens, et ne sont finalement pas parvenues à transmettre des informations pertinentes et à établir une communication adéquate pour inverser les débats nationaux du « pour » ou « contre » l’Union européenne.
Vers un électorat ciblé
A l’instar des médias, cette nouvelle forme de participation en direct a réuni de nombreux jeunes citoyens désireux d’être entendus. Les partis politiques conscients de la maîtrise des réseaux sociaux par les jeunes électeurs se sont servis de ceux-ci pour cibler un électorat différent. En provoquant les réponses en temps réels de la part des personnalités politiques invitées, les jeunes étaient censés se sentir plus impliqués et intéressés par ce qui constitue un défi pour leur futur. C’est par ailleurs eux qui dans les équipes de campagne sont recrutés pour alimenter les fils d’actualités des candidats sur les réseaux.
Plus généralement avec des outils numériques tels que les réseaux sociaux, cibler les publications avec les hashtags permet de savoir quels thèmes vont intéresser les électeurs. Ce qui peut être aussi très utile pour redonner un nouveau souffle en cas de baisse dans les sondages.
Un enjeu sociétal et politique d’importance pour le futur
Le numérique constitue depuis sa naissance une véritable révolution technologique et sociétale. Les réseaux sociaux, utilisés comme un outil d’interaction et de mobilisation dans les débats publics, se révèlent être un enjeu d’importance pour les années à venir. Ces campagnes numériques valorisent les campagnes politiques. À cet effet, de nombreux géants des médias numériques d’Europe et des États-Unis sont sont réunis le 2 avril 2014 au Parlement européen afin de montrer l’efficacité de l’utilisation des réseaux sociaux en politique et sur la façon de gérer ces campagnes en instantanée.
La portée des réseaux sociaux doit être toutefois mesurée. Ils sont devenus nécessaires pour tout candidat mais ne peuvent convertir à eux seuls les électeurs et n’améliorent pas la politique. Mais il est évident qu’ils aident à nourrir le débat politique et favorisent la transmission d’informations et les interactions instantanées. En créant une proximité évidente entre un parti ou une personnalité et ses followers, cette nouvelle démocratie, la démocratie 2.0, pourrait cependant se résumer à prêcher la bonne parole auprès de citoyens déjà ralliés à leur cause. C’est le propre des réseaux sociaux de nous pousser à nous focaliser sur des domaines que l’on aime particulièrement. Il en va de même quand il s’agit de suivre un député européen sur Twitter ou d’aimer sa page Facebook. Le risque étant donc de rester enfermé dans son bord politique ce qui est le contraire d’un débat citoyen en bonne et due forme qui repose à la fois sur le respect de la différence et sur la confrontation d’idées divergentes.
Mais il est indéniable qu’à travers les réseaux sociaux, ces nouveaux systèmes d’exploitation informatif et communicatif, on assiste à une libéralisation des opinions. L’information y étant souvent plus empreinte d’indépendance que dans les médias traditionnels.