In Platonis Phaedrum Scholia: 272d9-e1
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Σωκράτης
τὸ παράπαν γὰρ οὐδὲν ἐν τοῖς δικαστηρίοις τούτων ἀληθείας μέλειν οὐδενί, ἀλλὰ τοῦ πιθανοῦ: τοῦτο δ᾽ εἶναι τὸ εἰκός, ᾧ δεῖν προσέχειν τὸν μέλλοντα τέχνῃ ἐρεῖν.
Socrate
Dans les tribunaux personne ne se soucie aucunement de la vérité de telles questions, mais de la persuasion; et elle consiste en ce qui est vraisamblable, ce de quoi soit se préoccuper celui qui aspire à parler avec art.
Platon, Phèdre, 272d9-272e1
Le sophistes vendent un métier: celui d’avocat - pour utiliser une terminologie moderne. Dans ce cadre il faut être utilitariste et pratiques: il faut trouver la manière la plus rapide pour gagner le plus de procès possibles. Il est donc nécessaire de voir ce qui se passe dans les tribunaux (δικαστήριον). Or, dans les tribunaux, personne ne se soucie de la vérité (ἀλήθεια). Cela a déjà été dit: l’important n’est pas de connaître la vérité, mais de savoir ce que pensent les gens qui écoutent. Car il faut dire ce que les gens pensent déjà pour gagner, vu que le seul objectif est de les convaincre du fait qu’on a raison. L’objectif n’est pas l’ἀλήθεια, mais le πιθανός, la conviction.
Et la conviction se base sur ce que le gens pensent, sur leur opinion. Cette opinion est souvent basée non pas sur ce qui est vrai, mais sur ce qui semble vrai, l’εἰκός. Ce terme vient du verbe ἔοικα qui signifie ressembler, être semblable, avoir l’air de quelque chose. L’εἰκός est donc ce qui ressemble à ce qui est. L’εἰκός est un semblant. Mais parce que c’est ce qui semble être, l’εἰκός est ce qui semble vrai, et donc le vraisemblable.
Nous avons ici les fondements de la théorie phénoménologique de Platon: le phénomène est toujours ce qui semble et ce qui semble n’est jamais ce qui est: il y a une rupture ontologique forte entre les apparences et la vérité et la vérité n’est jamais immédiatement accessible, il faut la chercher derrière les apparences.