In Platonis Phaedrum Scholia: 259e7-260a5

δόξα, δοκέω

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Φαῖδρος
οὑτωσὶ περὶ τούτου ἀκήκοα, ὦ φίλε Σώκρατες, οὐκ εἶναι ἀνάγκην τῷ μέλλοντι ῥήτορι ἔσεσθαι τὰ τῷ ὄντι δίκαια μανθάνειν ἀλλὰ τὰ δόξαντ᾽ ἂν πλήθει οἵπερ δικάσουσιν, οὐδὲ τὰ ὄντως ἀγαθὰ ἢ καλὰ ἀλλ᾽ ὅσα δόξει: ἐκ γὰρ τούτων εἶναι τὸ πείθειν ἀλλ᾽ οὐκ ἐκ τῆς ἀληθείας.

Phèdre
Ce que j'ai entendu à ce propos, cher Socrate, c'est qu'il n'est point nécessaire pour le futur orateur d'avoir appris ce que la justice est, mais ce qu'elle semble être à la multitude, ni ce que sont les biens et les belles choses, mais l'opinion commune sur elles: c'est à partir de ce type de chose qu'on arrive à convaincre et pas à partir de la vérité.

Platon, Phèdre, 259e7-260a5

Phèdre exprime de façon claire le point de vue des sophistes contre lequel entend lutter Socrate: l’important n’est pas la vérité, mais l’opinion, la δόξα. Le texte nous rappelle d’où vient ce substantif δόξα: il vient du verbe δοκέω, utilisé ici deux fois. δοκέω signifie penser, ou pour être plus précis il correspond à l’expression “il me semble”. La δόξα est ce qui semble être vrai aux plus. Or les sophistes sont des professionnels de la conviction, ils sont des travailleurs: ils sont payés pour gagner le consensus, lors d’un procès ou dans un autre contexte. Dans ce cadre, où le discours est un art dont l’objectif est la conviction, le point de départ du raisonnement doit être ce que croient les interlocuteurs; la “vérité” ne rentre pas dans les intérêts de l’orateur.

Le fait de savoir ce qui est bien et ce qui est mal, ce qui est juste ou ce qui est injuste ne “sert” à rien. Ce qui compte est de savoir ce que pensent les interlocuteurs pour être ensuite capable de les faire changer d’avis.

Phèdre a raison: ce type de principe est en effet valable encore aujourd’hui dans ce que nous appelons “justice”. Nos tribunaux sont structurés sur l’idée que la vérité ne compte rien, ce qui compte sont les opinions, les convictions, les apparences. À quoi bon être innocent, par exemple, si les apparences portent à croire qu’on est coupable?

La “justice” est un travail, nous dit Phèdre en accord avec les sophistes. Et non, elle doit être du côté de la σχολή nous dit Socrate. Dans le monde où nous vivons c’est indiscutablement Phèdre qui a raison.

δόξα, δοκέω scholia