In Platonis Phaedrum Scholia: 269e4-270a3

ἀδολεσχία, μετεωρολογία, σχολή, τέχνη

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Σωκράτης
πᾶσαι ὅσαι μεγάλαι τῶν τεχνῶν προσδέονται ἀδολεσχίας καὶ μετεωρολογίας φύσεως πέρι: τὸ γὰρ ὑψηλόνουν τοῦτο καὶ πάντῃ τελεσιουργὸν ἔοικεν ἐντεῦθέν ποθεν εἰσιέναι.

Socrate
Tous les grands arts ont besoin de bavardage et de discours compliqués sur la nature: l'élévation de l'esprit et la capacité de porter à terme un travail semblent en effet dériver de cela.

Platon, Phèdre, 269e4-270a3

La σχολή revient. Elle est peut-être la clé de lecture de tout le dialogue, sa condition de possibilité, son précepte: il faut être oisif. C’est la condition qui permet à Socrate de suivre Phèdre et de l’écouter, c’est ce qui caractérise les cigales divines, c’est ce qui permet à Ulysse d’écrire des traités de rhétorique…

Ici elle n’est pas nommée explicitement, mais si on lit avec attention, on comprend immédiatement que c’est elle le fondement de tout art. Même la τέχνη, ce savoir pratique et concret, doit se fonder sur l’oisiveté.

Ici la σχολή se concrétise en deux non-activités: l’ἀδολεσχία et la μετεωρολογία. On y retrouve facilement les cigales: perdre du temps en bavardages. L’ἀδολεσχία est justement une conversation qui n’a aucun but. Mais le type de bavardage est ensuite précisé avec le mot μετεωρολογία que j’ai traduit avec “discours compliqué sur la nature” mais qui signifie plus précisément “discours sur les corps célestes” - et donc, par antonomase, discours compliqué.

Ce qui peut sembler étonnant c’est que l’oisiveté, le fait de perdre du temps en discours sur des choses compliquées et abstraites est mis en relation avec l’adjectif τελεσιουργός: quelqu’un qui est capable de porter à terme (τελέω) un travail, un ouvrage, une activité (ἔργον). Ici l’oisiveté est donc présentée comme condition de possibilité non seulement de la pensée, mais aussi de la productivité technique.

C’est une idée complexe et à la fois merveilleuse et dangereuse. Car c’est aussi la base de la récupération de l’oisiveté par la mentalité productiviste de notre époque; Google qui laisse libres ses employés de perdre du temps dans des projets personnels parce que de cette manière il pourra ensuite capitaliser sur des idées innovantes. Dans ce cas la σχολή est un moyen pour atteindre une fin.

Je préfère la σχολή radicale, celle qui est un but en soi, celle des cigales, qui ne font jamais rien et qui nient avec force la τελεσιουργία. Je préfère que rien ne soit jamais fini et que jamais il n’y ait un objectif concret à l’oisiveté.

ἀδολεσχία, μετεωρολογία, σχολή, τέχνη scholia