In Platonis Phaedrum Scholia: 265e4-266b2
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Σωκράτης
ἀλλ᾽ ὥσπερ ἄρτι τὼ λόγω τὸ μὲν ἄφρον τῆς διανοίας ἕν τι κοινῇ εἶδος ἐλαβέτην, ὥσπερ δὲ σώματος ἐξ ἑνὸς διπλᾶ καὶ ὁμώνυμα πέφυκε, σκαιά, τὰ δὲ δεξιὰ κληθέντα, οὕτω καὶ τὸ τῆς παρανοίας ὡς ἓν ἐν ἡμῖν πεφυκὸς εἶδος ἡγησαμένω τὼ λόγω, ὁ μὲν τὸ ἐπ᾽ ἀριστερὰ τεμνόμενος μέρος, πάλιν τοῦτο τέμνων οὐκ ἐπανῆκεν πρὶν ἐν αὐτοῖς ἐφευρὼν ὀνομαζόμενον σκαιόν τινα ἔρωτα ἐλοιδόρησεν μάλ᾽ ἐν δίκῃ, ὁ δ᾽ εἰς τὰ ἐν δεξιᾷ τῆς μανίας ἀγαγὼν ἡμᾶς, ὁμώνυμον μὲν ἐκείνῳ, θεῖον δ᾽ αὖ τινα ἔρωτα ἐφευρὼν καὶ προτεινάμενος ἐπῄνεσεν ὡς μεγίστων αἴτιον ἡμῖν ἀγαθῶν.
Φαῖδρος
ἀληθέστατα λέγεις.
Socrate
Mais comme avant les deux discours ont saisi ce qu'il y a de fou dans l'intellect en une seule idée, comme pour le corps pour lequel à partir d'une seule chose poussent naturellement des membres doubles et homonymes et s'appellent de gauche et de droite, ainsi aussi les éléments de la folie les deux discours les ont considérés comme venant d'une forme unique en nous et un discours, en coupant la partie gauche a continué à la couper jusqu'à trouver parmi ces parties une sorte d'amour que nous avons appelé "gauche" et que nous avons très justement blâmé, tandis que l'autre discours, nous amenant vers la partie droite de la manie, a trouvé un amour du même nom, mais qui a quelque chose de divin et en le présentant il l'a loué car il est cause pour nous des plus grands biens.
Phèdre
Ce que tu dis est très vrai.
Platon, Phèdre, 265e4-266b2
On revient au duel pour parler des deux discours de Socrate. Il y a là toute la profondeur et la difficulté de la réflexion à propos du rapport entre multiplicité et unité. Il y a deux discours qui disent deux choses contradictoires. Mais ces deux discours doivent être tous les deux légitimes. Comment est-ce possible? Socrate est en train d’attaquer l’idée des sophistes pour lesquels il n’est pas question de vérité, mais juste de ruse. Socrate veut démontrer qu’il n’est pas possible de ruser avec les mots. On peut se tromper et on peut tromper, mais même la tromperie se fonde sur l’essence, sur ce qui est.
Les deux discours sont tous les deux basés sur l’essence de l’amour, voilà pourquoi il peuvent convaincre. Mais l’amour est multiple, la manie qu’est l’amour est multiple. Multiple ou mieux: double. Comme le discours est un et double de la même manière la manie amoureuse est une et double. Pour voir l’unité, il est nécessaire d’appliquer un processus synthétique. Pour voir la duplicité il est nécessaire de diviser, de découper. Comme il vient de le dire, Socrate reaffirme que la découpe doit être faite en respectant la nature. Le verbe φύω est utilisé à plusieurs reprises: pousser, comme pousse une plante, c’est ce qui émerge naturellement. C’est le verbe qui avait été utilisé pour parler des ailes dans la partie du dialogue dédiée à l’âme.
Comme à partir du corps, unique, poussent des membres à droite et à gauche, de la même manière, la folie amoureuse produit des parties, la gauche et la droite. Les deux côtés sont ensuite associés à des valeurs: le mal - la gauche (σκαιός) - et le bien - la droite (δεξιός). Et les deux parties de cette manie justifient aussi la dualité du discours, un discours, le premier, sur la partie gauche de la folie amoureuse, la partie mauvaise qu’il faut blâmer et un second discours sur la partie droite, la bonne, celle qu’il faut louer car elle nous apporte les plus grands biens.
Mais la question à se poser est toujours la même, lorsque nous nous retrouvons face à un dualisme: le deux n’est pas une multiplicité, mais plutôt une unité camouflée. Le deux est une hiérarchie stable, faite d’une chose - positive - et de son contraire - négatif. Et le contraire n’est pas “autre”, il est le même renversé. Le dualisme n’est pas une mise en question du monisme, il en est un renforcement.