In Platonis Phaedrum Scholia: 251c6-d8
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Σωκράτης
ὅταν μὲν οὖν βλέπουσα πρὸς τὸ τοῦ παιδὸς κάλλος, ἐκεῖθεν μέρη ἐπιόντα καὶ ῥέοντ᾽—ἃ δὴ διὰ ταῦτα ἵμερος καλεῖται—δεχομένη τὸν ἵμερον ἄρδηταί τε καὶ θερμαίνηται, λωφᾷ τε τῆς ὀδύνης καὶ γέγηθεν: ὅταν δὲ χωρὶς γένηται καὶ αὐχμήσῃ, τὰ τῶν διεξόδων στόματα ᾗ τὸ πτερὸν ὁρμᾷ, συναυαινόμενα μύσαντα ἀποκλῄει τὴν βλάστην τοῦ πτεροῦ, ἡ δ᾽ ἐντὸς μετὰ τοῦ ἱμέρου ἀποκεκλῃμένη, πηδῶσα οἷον τὰ σφύζοντα, τῇ διεξόδῳ ἐγχρίει ἑκάστη τῇ καθ᾽ αὑτήν, ὥστε πᾶσα κεντουμένη κύκλῳ ἡ ψυχὴ οἰστρᾷ καὶ ὀδυνᾶται, μνήμην δ᾽ αὖ ἔχουσα τοῦ καλοῦ γέγηθεν.
Socrate
Lorsque, en regardant la beauté du jeune garçon, en recevant les particules qui viennent de cette beauté et qui s'écoulent d'elle - c'est pour cette raison que cela s'appelle fleuve de désir - s'abreuve de ce fleuve de désir et elle se réchauffe, la souffrance finit et elle jouit; lorsqu'elle en est séparée et qu'elle est asséchée et les bouches des sorties qui permettent à l'aile de pousser en devenant sèches se ferment et bloquent les pousses des ailes; en restant à l'intérieur avec le désir, celles-ci palpitent et battent, chacune cherche la sortie de sorte que l'âme aiguillonnée de partout est furieuse et souffre, mais lorsque le souvenir de la beauté apparaît, elle se réjouit
Platon, Phèdre, 251c6-251d8
La beauté émane des particules (μέρος) - la matérialité s’affirme encore. Ces particules s’écoulent d’elle; le verbe utilisé est ῥέω, le même contenu dans le mot ἀπορροή, utilisé quelques lignes avant pour parler justement des émanations de la beauté. On doit imaginer une flux de particules qui sort de ce qui est beau pour frapper l’amoureux. Le verbe ῥέω est aussi celui qu’on utilise pour parler de l’écoulement des fleuves. Platon nous propose ici l’énième étymologie inventée qui devrait relier le mot ἵμερος (désir) au verbe ῥέω et au mot μέρος. Le lien est vite fait: le désir est un écoulement de particules de beauté (μέρη ῥέοντα), comme un fleuve. Difficile de rendre ce type de jeu de mot dans une traduction - je propose ici “fleuve du désir”, mais évidemment cela ne rend pas justice du jeu de mots en grec.
La physiologie de l’amour continue avec le discours classique sur la joie et la souffrance - on se dirait dans un film de Truffaut: “c’est une joie et une souffrance”. La présence de la beauté réchauffe et nourrit (abreuve, plutôt, on reste dans la métaphore liquide) l’âme. Les ailes poussent. Dès que la beauté s’éloigne, l’âme s’assèche (συναυαίνω), les ailes ne poussent plus. Le désir - ce qui s’écoule, justement - est bloqué à l’intérieur et pousse: c’est une souffrance (ὀδύνη, ὀδυνάω). Dès que la beauté réapparaît, l’écoulement recommence, c’est une joie (γηθέω).