In Platonis Phaedrum Scholia: 263b3-4
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Σωκράτης
ποτέρωθι οὖν εὐαπατητότεροί ἐσμεν, καὶ ἡ ῥητορικὴ ἐν ποτέροις μεῖζον δύναται;
Φαῖδρος
δῆλον ὅτι ἐν οἷς πλανώμεθα.
Socrate
Dans quels cas nous sommes plus facilement trompés et dans quels cas la rhétorique a le plus de pouvoir?
Phèdre
Il est clair que c'est dans les cas où nous sommes perdus.
Platon, Phèdre, 263b3-263b4
Socrate reprend la question qu’il avait soulevée avant. Maintenant c’est plus clair, car des exemples ont été faits. On peut se tromper, on peut se tromper sur des choses qui ne diffèrent pas beaucoup, des choses similaires, il avait dit. Maintenant le point est différent: on peut se tromper sur des choses dont la définition nous échappe, peut-être parce qu’il s’agit d’idées abstraites, comme le juste ou le bon.
Il est donc facile de se tromper sur certains sujets. Pour certains sujets nous sommes εὐαπάτητος un adjectif qui vient de εὖ et ἀπατάω, facile à tromper. Le verbe est évidemment lié à l’ἀπάτη, la tromperie dont il était question dès le début.
La rhétorique, l’art oratoire, a des chances de tromper justement sur des sujets sur lesquels il n’y a pas d’accord car la définition des concepts n’est pas claire.
Phèdre répond en disant cela: la rhétorique a le plus de pouvoir quand il s’agit de sujets sur lesquels nous sommes perdus. Le verbe est πλανάω: errer, faire erreur, être confus, être perdus. La rhétorique est capable de mener où elle veut des gens qui ont perdu le chemin.
Ce que Socrate prépare est évident: la rhétorique doit connaître les questions ontologiques les plus complexes, autrement elle ne pourra rien faire.
Peut-être on comprend ici le sens de la différence entre argent, fer et juste et bon. Le problème du juste et du bon, la raison pour laquelle ces choses sont plus difficiles à saisir et ne font pas l’unanimité n’est pas le fait qu’elles sont abstraites: les idées de juste et de bon sont autant concrètes que celles de fer et d’argent. Ce n’est pas non plus le fait que pour le fer et l’argent nous avons un savoir pratique: ce n’est pas ce savoir qui va produire une connaissance ontologique véritable. La différence entre fer et argent et juste et bon est que les deux premiers concepts sont plus simples. Le juste et le bon sont des choses complexes, il est plus difficile de les comprendre.
La rhétorique ne peut pas tromper sur ce que tout le monde connaît. Elle pourrait tromper sur des concepts plus complexes. Mais donc la rhétorique ne peut qu’être la connaissance ontologique la plus élevée. La rhétorique ne peut que correspondre avec la philosophie.
La division entre forme et contenu est détruite définitivement de cette manière: non seulement la rhétorique doit être une connaissance de la vérité, elle doit être la connaissance des vérités les plus complexes, elle doit être la forme la plus accomplie de connaissance.