In Platonis Phaedrum Scholia: 255c9-d2
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Σωκράτης
ᾗ πέφυκεν ἐπὶ τὴν ψυχὴν ἰέναι ἀφικόμενον καὶ ἀναπτερῶσαν, τὰς διόδους τῶν πτερῶν ἄρδει τε καὶ ὥρμησε πτεροφυεῖν τε καὶ τὴν τοῦ ἐρωμένου αὖ ψυχὴν ἔρωτος ἐνέπλησεν.
Socrate
Quand, à travers le canal naturel, il arrive à rentrer dans l'âme, et il fait pousser les ailes, il arrose les passages des ailes et déclenche la poussée des ailes et il remplit à nouveau d'amour l'âme de l'aimé.
Platon, Phèdre, 255c9-255d2
La métaphore du liquide qui arrive en forme de vague est reprise pour expliquer la contribution à la poussée des ailes. L’amour s’appellerait comme ça justement parce qu’il fait pousser des ailes, nous a-t-on dit. Et nous voilà encore une fois dans cette physiologie de l’âme, avec des canaux ouverts et fermés, secs ou humides, et avec le désir qui nourrit les ailes.
La métaphore ne nous enseigne pas grand chose. Elle impose sa vision, elle la rend vraisemblable. Avec des mots qui suggèrent un sens métaphorique - comme ἵμερος - on est importé à adhérer à cette vision qui n’est par contre jamais justifiée. L’amour nous rend meilleurs. C’est un dogme qu’il faut accepter. La seule argumentation est le rapport à l’idée de beauté: l’amour nous rend meilleurs car il est lié au souvenir d’une idée. La beauté sensible déclenche le souvenir de la beauté intelligible. Mais est-ce vraiment un argument? Une chaise sensible ne pourrait-elle aussi déclencher le souvenir d’une chaise intelligible. Pourquoi l’amour?
On se dirige vers la fin de ce second discours de Socrate, bientôt on le résumera et on fera le point pour savoir ce qu’il a apporté. Mais déjà maintenant, en cours de route, on peut s’arrêter pour considérer l’usage quelque peu rusé de la métaphore: elle ne se limite pas à illustrer un argument abstrait, elle le crée. Les raisons de Socrate sont des raisons métaphoriques qui ne sont soutenue que par la métaphore elle-même.