In Platonis Phaedrum Scholia: 249e5-250a5
Billet précédentLire les autres billets de la série
Σωκράτης
καθάπερ γὰρ εἴρηται, πᾶσα μὲν ἀνθρώπου ψυχὴ φύσει τεθέαται τὰ ὄντα, ἢ οὐκ ἂν ἦλθεν εἰς τόδε τὸ ζῷον: ἀναμιμνῄσκεσθαι δὲ ἐκ τῶνδε ἐκεῖνα οὐ ῥᾴδιον ἁπάσῃ, οὔτε ὅσαι βραχέως εἶδον τότε τἀκεῖ, οὔθ᾽ αἳ δεῦρο πεσοῦσαι ἐδυστύχησαν, ὥστε ὑπό τινων ὁμιλιῶν ἐπὶ τὸ ἄδικον τραπόμεναι λήθην ὧν τότε εἶδον ἱερῶν ἔχειν.
Socrate
En effet nous avons montré que toute âme humaine par nature a vu les choses qui sont, ou alors elle ne pourrait pas aller dans un tel animal: mais il n'est pas facile pour toutes les âmes de se les rappeler à partir des choses d'ici, ni celles qui l'ont vu une fois rapidement ni celles qui ont eu la malchance de tomber ainsi que, à cause de quelque disgrâce elles se sont tournées vers l'injustice et ont oublié ces choses sacrées qu'elles avaient vu.
Platon, Phèdre, 249e5-250a5
Tous les humains ont vu les idées, ils ont tous, par nature (φύσει) vu les choses qui sont (τὰ ὄντα). C’est la condition pour être des humains. Il y a un lien étroit entre nature humaine et Être. L’être de l’Être ne dépend pas du fait qu’il soit vu, mais il y a quand même un lien fort entre Être et être vu. Les choses qui sont sont là pour être observées. Elles seraient probablement là aussi sans être observées, mais auraient-elles le même sens? Seraient-elles les mêmes choses? Le réel est le résultat d’une conjoncture particulière, d’un agential cut comme le dirait Karen Barad… Bon, cette question nous porterait trop loin.
Même si toutes les âmes humaines ont vu les choses qui sont, la réminiscence n’est pas aisée pour tous. Il est très difficile d’utiliser le monde sensible comme ὑπόμνημα pour arriver à se rappeler des choses qui sont. En effet la vision que les âmes ont eu de ces choses a été rapide - autrement elles ne seraient pas tombées - et la chute a pu les détourner du souvenir en les plongeant dans l’injustice (τὸ ἄδικον).
La difficulté rend la réminiscence un talent, une capacité à travailler, à acquérir avec des efforts. La réminiscence n’est pas un souvenir passif, elle n’arrive pas par hasard: elle est le résultat d’un exercice dur. Peut-être pour cette raison les sportifs (φιλόπονος, γυμναστικός) sont tout en haut de la hiérarchie: ceux qui aiment les efforts - physiques ou spirituels - seront plus à même de se souvenir, car ils seront prêts à s’efforcer pour atteindre cet objectif.