In Platonis Phaedrum Scholia: 247c3-4

ὑπερουράνιος τόπος, Ludwig Wittgenstein

Lire les autres billets de la série

Σωκράτης
τὸν δὲ ὑπερουράνιον τόπον οὔτε τις ὕμνησέ πω τῶν τῇδε ποιητὴς οὔτε ποτὲ ὑμνήσει κατ᾽ ἀξίαν.

Socrate
Aucun des poètes, n'a jamais chanté dignement ce lieu supracéleste jusqu'à présent et jamais dans le futur ne saura le chanter.

Platon, Phèdre, 247b9-247c2

Arrive ici l’expression qui désigne ce lieu qui est à l’extérieur de tout, au delà de toutes les limites, au delà de la fin de l’univers. C’est l’hyperouranion, le lieu supracéleste (ὑπερουράνιος τόπος). Ce lieu n’a jamais, jusqu’à présent (πω), été chanté par un poète et jamais, dans le futur (ποτε), il ne sera chanté. Platon insiste sur cette affirmation en la répétant au passé (ὕμνησε) et au futur (ὑμνήσει). Cela signifie que le fait que personne n’ait parlé de ce lieu n’est pas un hasard, c’est une nécessité ontologique: il n’est pas possible d’en parler. Jamais dans le passé et jamais dans le futur: quelque chose qui ne peut jamais se réaliser est impossible, donc son contraire est nécessaire.

L’impossibilité de chanter ce lieu est déterminée par la nature même de l’hyperouranion: on est justement au delà de tout et donc bien évidemment au delà du langage humain.

En même temps cette impossibilité est limitée: il n’est pas vrai, à bien lire le texte, que ce lieu n’a jamais été chanté et ne le sera jamais. Il ne peut pas être chanté “dignement”, κατ᾽ἀξίαν. On ne peut pas rendre compte de façon assez précise et satisfaisante de ce lieu. Mais cela, en réalité, n’empêche pas d’en parler. On reprend (2400 avant, un beau plagiat par anticipation) la phrase de Wittgenstein et on la modifie: il n’est pas vrai que “ce dont on ne peut parler, il faut le taire” (comme Platon semblait le dire avant). Il faudrait plutôt dire: “ce dont on ne peut pas parler dignement, il faut en parler comme on peut”.

ὑπερουράνιος τόπος, Ludwig Wittgenstein scholia