In Platonis Phaedrum Scholia: 244d7-e6

μανία, σωφροσύνη

Lire les autres billets de la série

Σωκράτης
ἀλλὰ μὴν νόσων γε καὶ πόνων τῶν μεγίστων, ἃ δὴ παλαιῶν ἐκ μηνιμάτων ποθὲν ἔν τισι τῶν γενῶν ἡ μανία ἐγγενομένη καὶ προφητεύσασα, οἷς ἔδει ἀπαλλαγὴν ηὕρετο, καταφυγοῦσα πρὸς θεῶν εὐχάς τε καὶ λατρείας, ὅθεν δὴ καθαρμῶν τε καὶ τελετῶν τυχοῦσα ἐξάντη ἐποίησε τὸν ἑαυτῆς ἔχοντα πρός τε τὸν παρόντα καὶ τὸν ἔπειτα χρόνον, λύσιν τῷ ὀρθῶς μανέντι τε καὶ κατασχομένῳ τῶν παρόντων κακῶν εὑρομένη.

Socrate
Mais à l'occasion de grandes maladies et souffrances survenues chez les membres de certains peuples à cause de leurs anciennes fautes, la manie, en apparaissant et en prophétisant a libéré ces gens, en faisant recours à des prières aux dieux et à des rites en leur honneur, et donc avec des purifications et des initiations a rendu celui qui l'avait exempt de maux pour le présent et pour l'avenir, en faisant trouver à celui qui délire et est possédé par la bonne folie la libération de tous les maux présents.

Platon, Phèdre, 244d7-244e6

À quoi ça sert de voir le futur? On revient à ce qu’on disait à propos d’Homère et Stésichore: la capacité de voir permet d’éviter la colère des dieux. Stésichore, devenu aveugle, est capable de voir la raison de sa faute et peut ainsi rétracter: sa palinodie le sauve.

Quelques remarques: la sensibilité grecque par rapport aux fautes est très différente de la sensibilité chrétienne. Le christianisme a introduit l’idée selon laquelle pour être responsable de quelque chose il est nécessaire que cette chose soit intentionnelle. La faute est donc subjective et non objective. Si je tue quelqu’un par erreur, je ne suis pas un tueur, si je commets une faute sans m’en rendre compte, sans vouloir ou sans le savoir, je ne suis pas coupable. Cette idée est très loin de la sensibilité des grecs anciens, pour qui ce qui compte est le fait de rompre l’ordre des choses. L’intentionnalité n’y est pour rien, cela n’a aucune importance: ce qui compte est ce qui se passe objectivement. L’ordre est rompu et celui qui le rompt en est responsable, qu’il en soit conscient ou pas, qu’il l’ait rompu volontairement ou involontairement.

C’est pour cette raison que la question de comprendre et savoir devient fondamentale: on peut être puni sans savoir pourquoi. Pour éviter la punition il faut être capable de comprendre la faute qu’on a commise. Et la manie permet cela: elle permet de connaître. La connaissance ensuite rend possible l’expiation - la palinodie de Stésichore, par exemple et ici les prières et les rites pour réparer les fautes.

Le devin est immunisé (ἐξάντη) de maux, car il voit à l’avance, donc il ne va pas pécher et donc il ne va pas avoir de punition.

La manie est donc une forme de connaissance supérieure, qui donne la possibilité de comprendre ce qui échappe parfois à la seule rationalité humaine.

μανία, σωφροσύνη scholia