In Platonis Phaedrum Scholia: 241e9-242a2

père, μῦθος, passer le fleuve

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Σωκράτης
καὶ οὕτω δὴ ὁ μῦθος ὅτι πάσχειν προσήκει αὐτῷ, τοῦτο πείσεται: κἀγὼ τὸν ποταμὸν τοῦτον διαβὰς ἀπέρχομαι πρὶν ὑπὸ σοῦ τι μεῖζον ἀναγκασθῆναι.

Socrate
Et que cette histoire fasse la fin qui lui convient: et moi je vais traverser ce fleuve et m'en aller avant que tu ne m'obliges à faire quelque chose de pire.

Platon, Phèdre, 241e9-242a2

Qu’il arrive au discours (μῦθος) ce que doit lui arriver. Le discours est devenu indépendant, il peut faire sa propre vie, il s’émancipe de son père. Il sera question de pères des discours plus tard dans le dialogue. Il est cependant important de souligner que le terme employé ici n’est pas λόγος, mais μῦθος: c’est l’histoire racontée par Socrate qui doit devenir ce qu’elle doit devenir, non pas son discours en tant que tel.

Il a créé une histoire, une fiction, un mythe. Le caractère fictif est mis en avant. Rappelons-nous qu’à différence de Lysias, Socrate avait commencé son discours avec une mise en récit: ἦν οὕτω δὴ παῖς, il était une fois un enfant… Il est intéressant de voir que Socrate souligne cette nature fictive de son discours justement maintenant, comme pour s’en excuser.

Ici donc Socrate prend les distances de ce qu’il vient de dire d’au moins trois manières:

  1. Il rappelle que ce n’était qu’une fiction
  2. Il affirme que cette fiction est désormais sans père, libre, autonome et qu’il la laisse à son destin. Le μῦθος ne dépend plus de Socrate - ou mieux, il n’a jamais dépendu de lui, mais des Nymphes, du lieu, de Phèdre… -, il fait sa vie.
  3. Il passe le fleuve. Il quitte le lieu. Il s’échappe et s’éloigne physiquement car ce qui est dit est ancré physiquement et matériellement dans une position spatiale précise.

Cette fugue de Socrate est évidemment une première forme de rétractation et prépare ce qui suit. On passe le fleuve, donc on s’inscrit aussi dans un autre horizon discursif.

père, μῦθος, passer le fleuve scholia