In Platonis Phaedrum Scholia: 236b9-c9

comédie, dialogue

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Φαῖδρος
περὶ μὲν τούτου, ὦ φίλε, εἰς τὰς ὁμοίας λαβὰς ἐλήλυθας. ῥητέον μὲν γάρ σοι παντὸς μᾶλλον οὕτως ὅπως οἷός τε εἶ, ἵνα μὴ τὸ τῶν κωμῳδῶν φορτικὸν πρᾶγμα ἀναγκαζώμεθα ποιεῖν ἀνταποδιδόντες ἀλλήλοις εὐλαβήθητι, καὶ μὴ βούλου με ἀναγκάσαι λέγειν ἐκεῖνο τὸ ‘εἰ ἐγώ, ὦ Σώκρατες, Σωκράτην ἀγνοῶ, καὶ ἐμαυτοῦ ἐπιλέλησμαι,’ καὶ ὅτι ‘ἐπεθύμει μὲν λέγειν, ἐθρύπτετο δέ:’ ἀλλὰ διανοήθητι ὅτι ἐντεῦθεν οὐκ ἄπιμεν πρὶν ἂν σὺ εἴπῃς ἃ ἔφησθα ἐν τῷ στήθει ἔχειν.

Phèdre
Sur cela, mon cher, tu es arrivé à me donner une prise semblable. Tu dois parler comme tu le peux, pour ne pas que nous soyons forcés à faire une scène grossière de comédie en nous échangeant des répliques comme "prends garde", et ne m'oblige pas à dire ton "si, Socrate, je ne connais pas mon Socrate, je ne me connais pas moi-même", et ton "il voulait parler et faisait semblant de ne pas vouloir": mais mets-toi en tête que nous ne partirons pas d'ici avant que tu aies dit les choses que tu as affirmé avoir dans ta poitrine.

Platon, Phèdre, 236b9-236c9

Phèdre a reconnu une situation qui s’est déjà produite entre Socrate et lui, mais de façon symétrique: avant de lire le discours de Lysias c’était Phèdre qui feignait de ne pas vouloir parler en donnant des arguments semblables à ceux que donne maintenant Socrate. Cette inversion donne un ton de comédie à la situation: les répliques inversées n’ont en effet plus aucun sens, elles deviennent ridicules et même grotesques.

La phrase “Si je ne connais pas mon Phèdre, je ne me connais pas moi-même” avait un sens parce qu’elle était prononcée par quelqu’un qui a l’habitude de professer son ignorance de soi-même. L’ambiguïté et la finesse de la réplique sont anéanties par la symétrie. Dans la bouche de Phèdre, en effet, elle devient grotesque et ridicule.

Mais aussi le fait d’accuser Phèdre de vouloir parler et de faire semblant de ne pas vouloir devient faux et postiche dans la situation inverse. Il était en effet vrai que Phèdre voulait parler, pour faire son exercice de bon élève de Lysias. Mais Socrate ne veut pas forcement parler, au contraire.

L’argument que Phèdre utilise pour convaincre Socrate est donc une sorte de métaargument, destiné plus au lecteur du dialogue qu’à Socrate lui-même. Phèdre semble dire - un peu comme Italo Calvino -: vous êtes en train de lire le Phèdre de Platon. Cela n’est pas une comédie. Socrate va parler parce que vous êtes en train de lire un dialogue de Platon et que, dans les dialogues de Platon, Socrate parle et dit la vérité.

La dimension métatextuelle revoit encore une fois à la materialité du disours - le discours-dialogue qu’est le Phèdre.

comédie, dialogue scholia