In Platonis Phaedrum Scholia: 278e8-279b3

Isocrate, νέος

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Σωκράτης
νέος ἔτι, ὦ Φαῖδρε, Ἰσοκράτης: ὃ μέντοι μαντεύομαι κατ᾽ αὐτοῦ, λέγειν ἐθέλω.
Φαῖδρος
τὸ ποῖον δή;
Σωκράτης
δοκεῖ μοι ἀμείνων ἢ κατὰ τοὺς περὶ Λυσίαν εἶναι λόγους τὰ τῆς φύσεως, ἔτι τε ἤθει γεννικωτέρῳ κεκρᾶσθαι: ὥστε οὐδὲν ἂν γένοιτο θαυμαστὸν προϊούσης τῆς ἡλικίας εἰ περὶ αὐτούς τε τοὺς λόγους, οἷς νῦν ἐπιχειρεῖ, πλέον ἢ παίδων διενέγκοι τῶν πώποτε ἁψαμένων λόγων, ἔτι τε εἰ αὐτῷ μὴ ἀποχρήσαι ταῦτα, ἐπὶ μείζω δέ τις αὐτὸν ἄγοι ὁρμὴ θειοτέρα: φύσει γάρ, ὦ φίλε, ἔνεστί τις φιλοσοφία τῇ τοῦ ἀνδρὸς διανοίᾳ. ταῦτα δὴ οὖν ἐγὼ μὲν παρὰ τῶνδε τῶν θεῶν ὡς ἐμοῖς παιδικοῖς Ἰσοκράτει ἐξαγγέλλω, σὺ δ᾽ ἐκεῖνα ὡς σοῖς Λυσίᾳ.

Socrate
Isocrate est encore jeune, Phèdre: je veux te dire ce que je prédis pour lui.
Phèdre
Quoi?
Socrate
Il me semble que ses qualités naturelles sont trop meilleures pour être confrontées aux discours de Lysias, et en plus il est de caractère plus noble: ainsi il ne serait pas surprenant si, en grandissant, par rapport à ces discours dont il s'occupe maintenant, il dépassait, comme s'ils étaient des enfants tous, ceux qui ont touché à l'éloquence et en plus, si cela ne lui suffisait pas, un désir plus divin le tirait vers des choses plus élevées: il y a naturellement, en effet, dans la l'intellect de cet homme quelque chose qui relève de la philosophie. Moi je vais annoncer ces choses de la part des dieux à Isocrate, comme s'il était mon amoureux, et toi va dire l'autre chose à ton amoureux, Lysias.

Platon, Phèdre, 278e8-279b3

Difficile de comprendre le sens de cet éloge fait par Platon. On en comprend le sens dans l’économie du dialogue. Commençons donc par cela.

Phèdre est amoureux de Lysias: c’est ce qui a déclenché le dialogue. Socrate a essayé de détourner cet amour pour en devenir l’objet. Cette tentative correspond aussi avec un changement radical de la conception de l’amour, entre la provocation de Lysias et l’analyse métaphysique de Socrate. L’amour est le fondement de l’enseignement et de la connaissance.

Il semblerait qu’à la fin du dialogue Socrate a gagné et que Phèdre est donc de son côté. Il n’aime donc plus Lysias. Mais Socrate le taquine: va dire cela à ton copain. Phèdre doit répondre et provoque Socrate en lui rappelant que lui aussi est un peu amoureux d’un logographe: Isocrate. Phèdre veut souligner une contradiction dans le comportement de Socrate qui parle contre les orateurs et finalement en admire un juste parce qu’il est beau.

Socrate est donc obligé de se défendre: Isocrate n’est pas juste beau, il est aussi jeune (νέος) et, ce qui est plus important, d’une nature différente. Oui, il s’occupe maintenant de discours, mais il changera, il fera des choses plus grandes parce qu’on sent déjà dans ses pratiques quelque chose qui relève de l’amour pour la vérité.

Mais comment interpréter cet éloge d’un point de vue historique? Quelle est la position de Platon par rapport à Isocrate? Est-ce que Platon considère que la prophétie s’est réalisée? Il est certain qu’Isocrate n’est pas un sophiste selon Platon. Il a fondé sa propre école et il est impliqué dans l’enseignement et dans la formation. Mais il pense que la connaissance n’est pas possible et qu’elle est toujours une forme de doxa. Platon est donc en désaccord avec lui. L’éloge doit peut-être être lu comme un regret - et donc comme une attaque: Platon dit qu’Isocrate aurait pu être un philosophe et que finalement il ne l’a pas été. Certains considèrent que le Phèdre est un dialogue complètement dédié à la polémique de Platon contre Isocrate.

Isocrate, νέος scholia