In Platonis Phaedrum Scholia: 270c3-4
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Φαῖδρος
εἰ μὲν Ἱπποκράτει γε τῷ τῶν Ἀσκληπιαδῶν δεῖ τι πιθέσθαι, οὐδὲ περὶ σώματος ἄνευ τῆς μεθόδου ταύτης.
Phèdre
S'il faut croire à Hippocrate - qui fait partie des Asclépiades - on ne peut rien dire non plus du corps sans cette méthode.
Platon, Phèdre, 270c3-270c4
Dans la Grèce classique on appelait Asclépiades une série de familles de médecins, dont faisait partie la famille d’Hippocrate. Les Asclépiades prétendent descendre directement d’Asclépios, le dieu de la médecine. C’est à ce dieu que Socrate dédiera sa dernière phrase avant sa mort, dans le Phédon, avec l’affirmation quelque peu mystérieuse: ὦ Κρίτων, ἔφη, τῷ Ἀσκληπιῷ ὀφείλομεν ἀλεκτρυόνα: ἀλλὰ ἀπόδοτε καὶ μὴ ἀμελήσητε. “Criton, nous sommes le débiteur d’Asclépios pour un coq ; eh bien ! payez ma dette, pensez-y.”
Les derniers mots de Socrate sont peut-être éclairés par cette réplique de Phèdre. Socrate vient de dire qu’il est impossible de connaître l’âme sans connaître le tout; Phèdre ajoute que même pour le corps c’est la même chose: si la rhétorique - qui a comme objet l’âme - ne peut exister que grâce à une connaissance universelle, de la même manière la médecine aussi - dont l’objet est le corps - demande une connaissance générale, de la totalité des choses.
Cela signifie que pour comprendre quel est le bien pour le corps il faut avoir une vision plus large. En élargissant cette connaissance on arrivera à se rendre compte que le corps n’est que la prison de l’âme et que donc finalement la meilleure chose qu’un être humain peut espérer c’est de se libérer de ce corps. À la toute fin de sa vie, lorsque le poison a déjà complètement saisi son corps, Socrate remercie le dieu de la médecine car il l’a libéré de cette prison. Le médecin doit avoir une connaissance universelle qui lui permette non seulement de faire le bien du corps, mais aussi de comprendre quand ce dernier est devenu seulement une limite.
Laissant de coté le dualisme âme/corps, cette idée est intéressante pour ce qu’elle nous dit de la connaissance. Encore une fois: il ne peut pas y avoir une connaissance locale, située, spécialisée. La connaissance ne peut qu’être universelle. Le médecin, l’orateur, mais aussi le menuisier ne peuvent être maîtres de leur art que s’ils sont en premier lieu philosophes.