In Platonis Phaedrum Scholia: 262e6-263a1

ἁμαρτάνω, ἄτεχνος

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Σωκράτης
παῦσαι. τί δὴ οὖν οὗτος ἁμαρτάνει καὶ ἄτεχνον ποιεῖ λεκτέον: ἦ γάρ;
Φαῖδρος
ναί.

Socrate
Arrête-toi. Il faut dire quelle faute commet ce discours et ce qu'il fait sans art, n'est-ce pas?
Phèdre
Oui.

Platon, Phèdre, 262e6-263a1

παῦσαι, stop. Socrate coupe Phèdre au milieu de la lecture, au milieu d’une phrase qui n’est pas terminée. Socrate présuppose qu’il y a déjà quelque chose de faux, quelque chose d’erroné. Le verbe utilisé est ἁμαρτάνω: commettre une faute. Le présupposé est donc que le discours de Lysias commet des fautes et est sans art. Reste à montrer quelle est la faute et en quoi consiste le fait de “faire sans art” (ἄτεχνον ποιεῖ).

Et, c’est ce qui est surprenant ici, il n’est pas nécessaire d’attendre, il n’est pas nécessaire de lire longtemps; la toute première phrase suffit pour faire tomber le tout.

Avouons-le: le comportement de Socrate est ici quelque peu malhonnête et cela pour plusieurs raisons.

En premier lieu il juge un discours dont le père - comme on le dira plus tard - est absent. Lysias n’est pas là pour se défendre, il ne peut rien dire. Le fait d’être sans père sera ensuite présenté comme le plus grand défaut des discours écrits, et peut-être ici on en montre subrepticement les effets: le père n’est pas là pour défendre son enfant. Alors que Socrate est bien présent pour défendre ses propres discours!

En deuxième lieu le discours de Lysias est écrit et il est facile de le démonter en l’ayant devant les yeux. Les discours de Socrate ne sont plus là, ils ne sont que dans la mémoire de Phèdre et de Socrate: comment comparer l’analyse précise d’un texte qu’on a devant les yeux avec ce qu’on peut dire d’un discours qu’on a juste entendu et qu’on juge non pas mot à mot, mais dans son ensemble?

Finalement: Socrate a déjà décidé que le discours de Lysias est sans art et faux. L’analyse est un prétexte: il n’y a pas vraiment d’analyse, car la décision a déjà été prise. Le juge a déjà jugé et condamné et on ne donne pas vraiment la parole à l’accusé, si ce n’est pour qu’il s’enfonce encore plus.

ἁμαρτάνω, ἄτεχνος scholia