In Platonis Phaedrum Scholia: 259b5-6
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Σωκράτης
οὐ μὲν δὴ πρέπει γε φιλόμουσον ἄνδρα τῶν τοιούτων ἀνήκοον εἶναι.
Socrate
Cela n'est pas approprié pour un homme qui aime les Muses de ne pas avoir entendu parler de ces choses!
Platon, Phèdre, 259b5-259b6
Socrate ne se laisse pas échapper l’occasion pour taquiner son jeune ami. Malgré toutes le précautions avec lesquelles Phèdre a admis ne pas avoir entendu parler du mythe des cigales, Socrate met le doigt là où ça fait mal: honte à toi, Phèdre. Exactement comme dans le jeu imaginé par David Lodge, il s’agit d’admettre ce qu’on ne connait pas et qu’on devrait connaître, mais cette admission déclenche la honte. Dans le jeu de Lodge il est question de profs d’université: ce qu’un prof de littérature anglaise doit absolument avoir lu et savoir. À l’époque de Phèdre il n’y avait pas de profs d’université, mais presque: les sophistes se veulent des érudits, des maîtres capables de vendre leur érudition. Leur savoir doit donc être prouvé. Et Phèdre veut en faire partie.
Socrate ne parle pas de “sages”, mais d’amants des arts, φιλόμουσος. Cela revient à dire “personne cultivée”.
Une anecdote personnelle à laquelle me fait penser cette réplique de Socrate: j’étais étudiant à Pise et Francesco Orlando, en discutant avec moi devant un café m’avait dit: “une personne cultivée qui a lu Le rouge et le noir… en réalité c’est une tautologie, car une personne cultivée a nécessairement lu Le rouge et le noir”. Je ne l’avais pas lu. Dans la meilleure tradition académique je ne lui dis pas. Mais en rentrant à la maison je m’arrêtai à la librairie, j’achetai une copie du roman de Stendhal et le lus en deux jours.