In Platonis Phaedrum Scholia: 259a9-b2
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Σωκράτης
ἐὰν δὲ ὁρῶσι διαλεγομένους καὶ παραπλέοντάς σφας ὥσπερ Σειρῆνας ἀκηλήτους, ὃ γέρας παρὰ θεῶν ἔχουσιν ἀνθρώποις διδόναι, τάχ᾽ ἂν δοῖεν ἀγασθέντες.
Socrate
Si au contraire elles nous voient converser et continuer sur notre route insensibles à leur enchantement de Sirènes, peut-être, pleines d'admiration, elles nous donneraient le don que les dieux leur ont accordé de distribuer aux êtres humains.
Platon, Phèdre, 259a9-259b2
Les cigales sont oisives. Elles aiment et respectent une oisiveté particulière, celle des hommes libres: le temps vide de travail, vide de préoccupations, vide de choses à faire qui permet de se concentrer sur ce qui est important: la contemplation, la réflexion. Mais elles n’aiment pas l’inertie hébétée des gens fatigués, qui se laissent envouter par leur chant.
Il y a ici quelque chose de nouveau: il semblerait qu’il y a une responsabilité des individus dans la production de la pensée, une activité. Nous avons vu que normalement la pensée n’est pas le produit d’un être humain. Elle est divine, elle vient d’ailleurs. Mais il faut quand même une prédisposition, une ouverture, une posture, une attitude active qui permette de recevoir le don.
La pensée vient de l’extérieur. Elle est divine. Elle est un don. On le répète ici aussi: γέρας. Ce don divin par contre n’est pas pour tout le monde. Il n’est pas pour ceux qui se laissent aller, il n’est pas pour les passifs, il n’est pas pour les gens fatigués qui s’abandonnent à l’ombre à écouter le chant des cigales.
Il ne s’agit pas de travailler pour produire quelque chose; il s’agit de ne pas travailler, de vider le temps pour que ce vide puisse être le réceptacle du don divin. Il faut du vide, mais du vide actif. Il ne faut pas être vidé par la fatigue, il faut activement faire le vide.