In Platonis Phaedrum Scholia: 254c4-d3
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Σωκράτης
ἀπελθόντε δὲ ἀπωτέρω, ὁ μὲν ὑπ᾽ αἰσχύνης τε καὶ θάμβους ἱδρῶτι πᾶσαν ἔβρεξε τὴν ψυχήν, ὁ δὲ λήξας τῆς ὀδύνης, ἣν ὑπὸ τοῦ χαλινοῦ τε ἔσχεν καὶ τοῦ πτώματος, μόγις ἐξαναπνεύσας ἐλοιδόρησεν ὀργῇ, πολλὰ κακίζων τόν τε ἡνίοχον καὶ τὸν ὁμόζυγα ὡς δειλίᾳ τε καὶ ἀνανδρίᾳ λιπόντε τὴν τάξιν καὶ ὁμολογίαν: καὶ πάλιν οὐκ ἐθέλοντας προσιέναι ἀναγκάζων μόγις συνεχώρησεν δεομένων εἰς αὖθις ὑπερβαλέσθαι.
Socrate
Une fois qu'ils se sont tous les deux éloignés, un avec honte et effroi inonde toute l'âme de sueur, mais l'autre, une fois que la souffrance provoquée par le mors et par la chute est cessée, ayant repris le souffle est pris de rage et injurie et donne beaucoup de mal au cocher et à son compagnon car ils ont abandonné le rang et trahi leur accord par lâcheté et par mollesse: et à nouveau il essaie de les faire avancer contre leur gré et il cède à fatigue à l'injonction de renvoyer.
Platon, Phèdre, 254c4-254d3
On recommence. Le mot πάλιν est encore là, la dynamique à élastique continue son jeu. Expliquons mieux la situation que décrit ce passage.
En premier lieu la vue de l’aimé a excité tellement le cheval de mauvaise race qu’il est arrivé à trainer le cocher et l’autre cheval auprès de l’aimé. Ensuite, la vue de l’aimé produit pudeur et vénération et ces forces font en sorte que le cocher et le bon cheval ont la mieux sur le mauvais cheval. Ils s’en vont donc, ils s’éloignent. Le bon cheval transpire pour l’effort, pour l’effroi et pour la pudeur. Mais le mauvais cheval, dès que la souffrance produite par le gros coup de frein est finie se met à nouveau à tirer.
Ce qui est intéressant - et nouveau - ici est le fait que s’instaure entre les éléments de l’âme une sorte de négociation rationnelle qui s’ajoute au jeu des forces. Au lieu que se limiter chacun à tirer de son côté, maintenant on commence à discuter et à argumenter. Ainsi, le mauvais cheval injurie le cocher et son compagnon en disant qu’ils l’ont trahi et qu’ils ont quitté le rang (ταξις). Le terme utilisé est militaire et le blâme assez intéressant: le mauvais cheval affirme que les trois éléments de l’âme devraient être unis, comme des soldats en phalange.
C’est le mauvais cheval qui accuse, mais son accusation semble juste: on ne combat pas contre ses propres amis. En plus, le mauvais cheval appuie sur une touche sensible pour les grecs de l’époque: le cocher et le bon cheval ont agit par lâcheté.
Cet argument semble fonctionner, car, si les deux continuent de résister, ils semblent tout de même accorder une promesse au mauvais cheval: ils retourneront auprès de l’aimé. C’est cela qu’il faut imaginer si on veut comprendre le verbe ὑπερϐάλλω: renvoyer, différer.