In Platonis Phaedrum Scholia: 254a4-8
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Σωκράτης
ὁ δὲ οὔτε κέντρων ἡνιοχικῶν οὔτε μάστιγος ἔτι ἐντρέπεται, σκιρτῶν δὲ βίᾳ φέρεται, καὶ πάντα πράγματα παρέχων τῷ σύζυγί τε καὶ ἡνιόχῳ ἀναγκάζει ἰέναι τε πρὸς τὰ παιδικὰ καὶ μνείαν ποιεῖσθαι τῆς τῶν ἀφροδισίων χάριτος.
Socrate
L'autre cheval n'est retenu ni par les piqures ni par les coups de fouets du cocher, en sautant, il tire avec force et, en donnant beaucoup de peine à son compagnon et au cocher, il force à aller vers le jeune et à lui faire mention des plaisirs aphrodisiaques.
Platon, Phèdre, 254a4-254a8
Le comportement du cheval de mauvaise race est caractérisé par la ὕβρις, la démesure, le manque de modération et de retenue. Le cheval de mauvaise race ne résiste pas au πόθος, au désir, mais il tire avec violence pour aller vers le jeune objet d’amour. Il est intéressant de remarquer que le πόθος stimule avec des piqures provoquées par des pointes aigües (κέντρον). Ce sont ces piqures qui déterminent le comportement du cheval. Mais les mêmes piqures, provoquées toujours par les mêmes pointes (κέντρον), sont infligées au cheval par le cocher qui essaie de le retenir.
La pauvre bête est littéralement entre deux feux: d’une part c’est le désir qui le pique pour le pousser à aller en une direction, de l’autre c’est le cocher qui le pique pour le retenir. Sa “démesure” consiste à écouter les piqures du désir - probablement car elles sont plus fortes. Le cheval de bonne race, au contraire, résiste directement aux piqures de l’amour et le cocher n’a même pas besoin de le piquer à son tour.
Quoi qu’il en soit le cheval de mauvaise race est impossible à diriger. Il tire et amène l’âme devant l’aimé et… lui parle des plaisirs de la chair. Voilà la démesure, voilà la ὕβρις qui s’oppose à la σωφροσύνη: l’incapacité de résister aux plaisirs de la chair. C’est toute la morale sexuelle grecque qui se manifeste ici; la métaphysique se mélange aux mœurs.
En effet, pour les grecs il n’y a pas de jugement moral particulier à propos des différents types de pratiques sexuelles - pédérastiques, homosexuelles, hétérosexuelles… - mais une injonction à être capable de maîtriser son propre désir. C’est la tempérance. Le problème du cheval de mauvaise race n’est pas qu’il désire le jeune, mais qu’il cède à ce désir. Le cheval de bonne race a exactement le même désir, mais il est capable de le contrôler.