In Platonis Phaedrum Scholia: 252e1-4
Billet précédentLire les autres billets de la série
Σωκράτης
οἱ μὲν δὴ οὖν Διὸς δῖόν τινα εἶναι ζητοῦσι τὴν ψυχὴν τὸν ὑφ᾽ αὑτῶν ἐρώμενον: σκοποῦσιν οὖν εἰ φιλόσοφός τε καὶ ἡγεμονικὸς τὴν φύσιν, καὶ ὅταν αὐτὸν εὑρόντες ἐρασθῶσι, πᾶν ποιοῦσιν ὅπως τοιοῦτος ἔσται.
Socrate
Ceux qui étaient à la suite de Zeus cherchent un aimé qui ait une âme comme celle de Zeus: il regardent s'il est philosophe et s'il a une nature de commandant et s'ils en trouvent un comme ça ils l'aiment et ils font tout pour qu'il reste ainsi.
Platon, Phèdre, 252e1-252e4
On aime parce qu’on a été à la suite du même dieu. Ceux qui ont suivi Zeus chercheront donc quelqu’un qui ait suivi Zeus. L’amour se base sur des ressemblances, sur un partage de fond, sur une similitude métaphysique, sur une identité de nature.
C’est un modèle particulier de l’amour, qui reste très présent dans les représentations occidentales - et qui est loin d’être universel ou neutre: on cherche ce qui nous ressemble. On pourrait chercher la différence, la complémentarité, l’inattendu… et non, on cherche le même, l’identique, le ressemblant. N’est-ce pas le même modèle d’amour qui est à la base de la plupart des sites de rencontre actuels? Les différents algorithmes de l’amour semblent, presque toujours, être basés sur une conception de ce type: on match avec quelqu’un qui est comme nous. Mais la ressemblance métaphysique dont parle Platon est transformée en une ressemblance sensible, de goûts spécifiques, de situation sociale, économique etc. - que l’on pense aux principes de Tinder, qui a d’ailleurs eu l’excellente idée de breveter l’ensemble de lieux communs racistes et sexistes qui sont à la base de ses algorithmes (un petit exemple particulièrement horrible, ici).
L’identité est donc le fondement métaphysique de l’amour. Et, encore une fois, il y a une hiérarchie précise dans les identités: Zeus est le chef, le commandant, le roi, le plus important, le meilleur. Dès que l’amour est basé sur l’identité, évidemment, la hiérarchie s’impose: il y aura des identités meilleures que d’autres. Cela serait plus difficile si l’amour était basé sur la différence - ce qui ressemble plus au modèle proposé dans le Banquet par exemple - car deux personnalités différentes se rencontreraient et s’aimeraient en rendant la hiérarchie plus difficile - quoique, dans le cas du Banquet la hiérarchie reste bel et bien présente, mais c’est une autre histoire.
Zeus donc: le meilleur et, évidemment, le philosophe. Celui qui écrit est le meilleur. Platon est le meilleur. Et le χορευτής de Zeus aimera un autre χορευτής de ce dieu et fera tout ce qu’il peut pour que les caractéristiques de Zeus, obtenues dans l’hyperouranion, restent toujours bien présentes chez son aimé.
