In Platonis Phaedrum Scholia: 250c8-d3

πόθος, ἐναργής, αἴσθησις, matérialité

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Σωκράτης
ταῦτα μὲν οὖν μνήμῃ κεχαρίσθω, δι᾽ ἣν πόθῳ τῶν τότε νῦν μακρότερα εἴρηται: περὶ δὲ κάλλους, ὥσπερ εἴπομεν, μετ᾽ ἐκείνων τε ἔλαμπεν ὄν, δεῦρό τ᾽ ἐλθόντες κατειλήφαμεν αὐτὸ διὰ τῆς ἐναργεστάτης αἰσθήσεως τῶν ἡμετέρων στίλβον ἐναργέστατα.

Socrate
Que ces choses soient dites à propos de la mémoire, dont maintenant nous avons parlé beaucoup à cause du désir de ces choses du passé. À propos de la beauté, comme nous l'avons dit, elle brille au milieux de ces choses, et quand nous sommes descendus sur terre nous l'avons saisie à travers le plus clair de nos sens en tant que chose qui brillait le plus clairement.

Platon, Phèdre, 250c8-250d3

L’éloge de la mémoire est fini. On en a assez dit. Même trop: μακρότερα εἴρηται. Socrate semble vouloir s’excuser d’une parenthèse trop longue: il faut revenir à l’amour et donc à la beauté. Mais, quand même, cette digression sur l’importance de la mémoire a été motivée, elle aussi, par un désir: πόθος. Le désir des choses qui sont que nous avons vues dans le passé (τότε), lors de notre vie dans l’hyperouranion. Tout tourne donc autour de l’amour, nous rassure Socrate.

Mais maintenant il est temps de revenir à la beauté et d’expliquer pourquoi elle est si fondamentale. La beauté a une fonction de déclencheur: elle permet de faire le lien entre le monde sensible et le monde intelligible. En effet c’est ce qui est le plus visible. Le mot-clé ici est ἐναργής qui vient de ἀργός: brillant, lumineux. ἐναργής est ce qui est très visible. Cela renvoie à la lumière comme source de visibilité. Il est intéressant de souligner que cet adjectif est utilisé en même temps au sens propre et au sens figuré: d’une part la beauté est ἐναργής pour nos sens et pour notre perceptions sensible (αἴσθησις). De l’autre part elle est visible dans le sens ontologique - donc visible pour la raison.

Il est curieux de noter que, en ce qui concerne la beauté, il y a une correspondance entre les sens et la raison et donc entre monde sensible et monde intelligible. L’incarnation de la beauté ne la diminue pas, ne la transforme pas en quelque chose d’autre. Elle reste ce qu’elle est: ce qui est le plus visible.

Le monde sensible est à la fois la déchéance et la condition de possibilité de l’intelligibilité. La matérialité de la visibilité est ce qu’il faut le plus mépriser - car le monde sensible est un mensonge - et en même temps la seule manière aussi de nommer l’intelligibilité - car l’intelligible est nommé “visible”.

πόθος, ἐναργής, αἴσθησις, matérialité scholia