In Platonis Phaedrum Scholia: 247a5-9

εὐδαίμων, μακάριος, φθόνος

Lire les autres billets de la série

Σωκράτης
πολλαὶ μὲν οὖν καὶ μακάριαι θέαι τε καὶ διέξοδοι ἐντὸς οὐρανοῦ, ἃς θεῶν γένος εὐδαιμόνων ἐπιστρέφεται πράττων ἕκαστος αὐτῶν τὸ αὑτοῦ, ἕπεται δὲ ὁ ἀεὶ ἐθέλων τε καὶ δυνάμενος: φθόνος γὰρ ἔξω θείου χοροῦ ἵσταται.

Socrate
Plusieurs et bienheureux sont les spectacles et les évolutions que le peuple heureux des dieux forme dans le ciel, chacun faisant ce qu'il doit; les suit qui veut et peut; l'envie reste en dehors du cœur divin.

Platon, Phèdre, 247a5-247a9

Le cortège est beau et bon, il est donc heureux (εὐδαίμων) et bienheureux (μακάριος) sont les spectacles qu’il produit. Les dieux produisent quelque chose qui est beau à voir - le mot θέα, spectacle, est à la lettre ce qu’on regarde, du verbe θεάομαι. Encore une fois le lien entre l’ordre, la beauté et la bonté est fondamental. Ces spectacle et ces évolutions sont fondé dans la correspondance entre ordre mathématique - le cercle, les formes parfaites… - et ordre moral: les dieux réalisent leurs circonvolutions en faisant chacun ce qu’il doit (πράττων ἕκαστος αὐτῶν τὸ αὑτοῦ). Faire ce qui appartient à chacun (τὸ αὑτοῦ) est la définition que Platon donne de justice dans la République. La justice des dieux correspond donc avec l’ordre mathématique et esthétique que produit le cortège.

Cette représentation des dieux comme perfection s’éloigne de l’imaginaire populaire grec de l’époque. Socrate est en train de proposer une vision métaphysique des dieux comme perfection absolue en critiquant les visions anthropocentriques et légendaires de l’Olympe. Les dieux envieux, infidèles, colériques d’Homère et de toute la tradition littéraire sont mis en question.

C’est ce que souligne la dernière phrase: l’envie φθόνος, n’a pas de place chez les dieux. L’envie est pourtant centrale dans la perception commune des divinités dans la Grèce antique. La φθόνος est ce qui explique tous les maux. La φθόνος des dieux est ce qui déclenche la νέμεσις, dans un mécanisme presque automatique: les hommes perturbent l’équilibre naturel en pêchant de ὕϐρις, cela provoque la φθόνος des dieux qui se vengent avec la νέμεσις.

Ici, les dieux dont on parle n’ont pas d’envie possible. Ce qui régit leurs actions et leurs mouvement ce n’est que l’ordre moral et ontologique. Suive qui peut et qui veut, les dieux ne s’en soucieront pas car ils sont parfaits et ne peuvent pas être touchés par les choses humaines.

εὐδαίμων, μακάριος, φθόνος scholia