In Platonis Phaedrum Scholia: 237c5-d2
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Σωκράτης
ἐγὼ οὖν καὶ σὺ μὴ πάθωμεν ὃ ἄλλοις ἐπιτιμῶμεν, ἀλλ᾽ ἐπειδὴ σοὶ καὶ ἐμοὶ ὁ λόγος πρόκειται πότερα ἐρῶντι ἢ μὴ μᾶλλον εἰς φιλίαν ἰτέον, περὶ ἔρωτος οἷόν τ᾽ ἔστι καὶ ἣν ἔχει δύναμιν, ὁμολογίᾳ θέμενοι ὅρον, εἰς τοῦτο ἀποβλέποντες καὶ ἀναφέροντες τὴν σκέψιν ποιώμεθα εἴτε ὠφελίαν εἴτε βλάβην παρέχει.
Socrate
Toi et moi donc ne subissons pas ce dont nous accusons les autres, mais face à la question de savoir qui des deux, l'amoureux ou le non amoureux, est plus digne d'amitié, donnons une définition commune de l'amour, de sa nature et de sa puissance et en tenant en tête et en se référant toujours à cette définition, faisons l'investigation pour savoir si l'amour procure plutôt des avantages ou des inconvénients.
Platon, Phèdre, 237c5-237d2
On s’éloigne encore plus de la valeur profonde de l’énoncé initial. Le fait de connaître sa propre ignorance a d’abord été transformé en simple règle de composition: cela devient maintenant une différence dont on pourra se vanter. Ne soyons pas comme les autres! Le discours acquiert le ton de la compétition entre amoureux, c’est un instrument de séduction comme un autre. En commençant nos discours par des bonnes définitions nous serons plus sexy que Lysias.
Ne s’agit-il pas finalement d’une compétition entre Lysias et Socrate pour séduire Phèdre? Et donc Socrate met en scène un personnage qui donne un premier argument en sa faveur. Le discours de Socrate est meilleur et il le rend donc plus désirable que son adversaire Lysias parce qu’il est différent, il suit des principes plus cool, il ne tombe pas dans les mêmes écueils.
Cette règle de bonne composition est finalement explicitée et adaptée au contexte et au sujet. On veut savoir s’il faut se donner à quelqu’un qui nous aime ou à quelqu’un qui ne nous aime pas? Il faut d’abord donner une définition de l’amour. Cette définition manque au discours de Lysias.
Ce manque - et Socrate le sait très bien - est justement la force du discours de Lysias: le flou lui permet de faire croire ce qu’il veut à son auditoire. Plus qu’un avantage et un mérite objectifs, le fait de suivre cette règle constitue donc une différence entre les deux discours - et finalement entre les deux aimants. L’important en amour est de se différencier des concurrents. Si Lysias a misé sur l’ambiguïté et le flou, Socrate misera donc sur la précision des définitions. N’est-ce pas exactement le même comportement qu’il a décrit chez son personnage: il aime comme les autres mais, par ruse, il fait semblant de ne pas aimer.