In Platonis Phaedrum Scholia: 235b1

οὐδὲν λέγεις, Francesco Orlando, psychose, névrose

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Φαῖδρος
οὐδὲν λέγεις, ὦ Σώκρατες:

Phèdre
Tu ne dis rien, Socrate:

Platon, Phèdre, 235b1-235b1

La réaction de Phèdre au mots de Socrate est des plus violentes. Socrate vient de détruire en une phrase l’objet d’amour de Phèdre. Avec sa remarque sur le fait que Lysias se comporte comme un jeune élève plus que comme un maître, Socrate a anéanti la possibilité du désir de Phèdre. Phèdre essaie donc, avec un mouvement presque désespéré, d’anéantir les mots de Socrate, tout simplement en les niant, en niant leur existence: Socrate n’a pas parlé, il n’a rien dit.

Celui de Phèdre est une sorte de refoulement psychotique: il nie le réel pour pouvoir rester dans son désir. Cela me rappelle la façon qu’avait Francesco Orlando d’expliquer la différence entre névrose et psychose. Le névrosé nie son désir, il nie son monde subjectif, son ressenti, ses souvenirs, pour pouvoir composer avec sa frustration. Le psychotique accepte son ressenti mais nie le réel. Un exemple: un jour de pluie un névrosé qui rêvait d’avoir une journée de beau temps affirme qu’en réalité il préfère la pluie; un psychotique affirme qu’il ne pleut pas.

S’il avait été névrosé, il aurait tout de suite manifesté un accord avec Socrate, il aurait dit: tu as raison, Lysias est un crétin, je ne l’ai jamais aimé, je ne l’ai jamais désiré, son discours est vraiment mauvais. Mais ce n’est pas sa stratégie; il continue d’affirmer son désir: Lysias est le meilleur. Il nie le fait que Socrate ait parlé.

Et en niant sa parole, en niant l’évènement même de sa parole, Phèdre nie finalement l’existence même de Socrate. Socrate n’a pas parlé, Socrate n’existe pas, Socrate n’est pas là. La parole n’est pas là, ce qui est là est juste le discours. Mais est- ce vraiment de la psychose? Ou alors ce que Phèdre est en train d’insinuer est beaucoup plus subtil et finalement beaucoup plus profond: il affirme la force de présence de l’écrit (le discours de Lysias) et nie l’effet de présence produit par la parole de Socrate. Faisant ainsi, il propose une structure exactement opposée à celle qu’on verra se délinéer lors de la critique de l’écriture à la fin du dialogue. Cette hypothèse est par ailleurs confortée par la suite des répliques où justement Socrate affirmera l’existence et la présence de sa parole en en déplaçant le fondement vers quelque chose qui a été dit par d’autres et que lui, il ne ferait que répéter.

οὐδὲν λέγεις, Francesco Orlando, psychose, névrose scholia