In Platonis Phaedrum Scholia: 233c8-d4
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Φαῖδρος
εἰ δ᾽ ἄρα σοι τοῦτο παρέστηκεν, ὡς οὐχ οἷόν τε ἰσχυρὰν φιλίαν γενέσθαι ἐὰν μή τις ἐρῶν τυγχάνῃ, ἐνθυμεῖσθαι χρὴ ὅτι οὔτ᾽ ἂν τοὺς ὑεῖς περὶ πολλοῦ ἐποιούμεθα οὔτ᾽ ἂν τοὺς πατέρας καὶ τὰς μητέρας, οὔτ᾽ ἂν πιστοὺς φίλους ἐκεκτήμεθα, οἳ οὐκ ἐξ ἐπιθυμίας τοιαύτης γεγόνασιν ἀλλ᾽ ἐξ ἑτέρων ἐπιτηδευμάτων.
Phèdre
Mais si tu crois qu'une amitié forte n'est possible si ce n'est avec quelqu'un qui t'aime, tu dois considérer que nous ne pourrions pas tenir à coeur nos enfants, ni nos pères et nos mères et nous ne pourrions pas avoir des amis fidèles, qui deviennent amis non pas à cause du désir, mais par des liens différents.
Platon, Phèdre, 233c8-233d4
La démonstration de ce que doit être le vrai amour, ou plutôt la vraie φιλία se complète avec cet argument: n’est-ce pas vrai que les relations qui durent davantage et qui nous lient aux personnes les plus importantes ne sont pas fondées sur le désir?
Lysias n’ayant pas explicité les définitions, ses idées d’amour et de φιλία doivent être presque devinées. L’amour, nous avons dit, est une maladie, qui ne permet pas à celui qui la contracte de bien penser ni d’être maître de soi. Ce qui déclenche cette maladie est l’ἐπιθυμία, le désir, la passion, l’envie sexuelle. Et si l’amour est - ou en tout cas semble être pour Lysias - une forme particulière de φιλία, sa particularité consiste justement dans le fait que l’amour est une φιλία accompagnée par l’ἐπιθυμία. Et c’est l’ἐπιθυμία qui rend l’amour une forme malade de φιλία.
Mais alors l’amour, qui devrait être l’expression la plus élevée de la φιλία, en réalité est transformé par l’ἐπιθυμία en une forme inférieure, ou même finalement une non φιλία. Celle qui semblait être la bonne relation par excellente devient une non relation. Et la preuve en est le fait que les relations qu’on considère normalement comme les plus importantes - celles qui nous lient à notre famille - ne sont pas déterminées par le désir, mais par d’autres liens (ἐξ ἑτέρων ἐπιτηδευμάτων). Encore une fois le flou de Lysias: il faut bien une cause de la relation, mais on ne la spécifie pas, on la laisse dans le flou. On fait ainsi croire que ces autres liens puissent être les mêmes qui lieront le parlant à celui qui écoute.
Mais on oublie ainsi un fait fondamental: le parlant essaye depuis le début de convaincre celui qui écoute à coucher avec lui!