In Platonis Phaedrum Scholia: 232a7-b6

ἀνάγκη, ἡδονή, Leibniz, principe de raison suffisante

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Φαῖδρος
ἔτι δὲ τοὺς μὲν ἐρῶντας πολλοὺς ἀνάγκη πυθέσθαι καὶ ἰδεῖν ἀκολουθοῦντας τοῖς ἐρωμένοις καὶ ἔργον τοῦτο ποιουμένους, ὥστε ὅταν ὀφθῶσι διαλεγόμενοι ἀλλήλοις, τότε αὐτοὺς οἴονται ἢ γεγενημένης ἢ μελλούσης ἔσεσθαι τῆς ἐπιθυμίας συνεῖναι: τοὺς δὲ μὴ ἐρῶντας οὐδ᾽ αἰτιᾶσθαι διὰ τὴν συνουσίαν ἐπιχειροῦσιν, εἰδότες ὅτι ἀναγκαῖόν ἐστιν ἢ διὰ φιλίαν τῳ διαλέγεσθαι ἢ δι᾽ ἄλλην τινὰ ἡδονήν.

Phèdre
Et encore il est nécessaire que plusieurs personnes sachent ou voient les amoureux en compagnie de leurs aimés et pris dans cette occupation, de façon que, lorsqu'ils les voient s'entretenir, ils pensent qu'ils sont ensemble parce qu'ils viennent d'assouvir leur désir ou parce qu'ils vont le faire; en revanche les non amoureux ne sont jamais accusés de passer du temps ensemble, car on sait qu'il est bien nécessaire d'être en compagnie de quelqu'un ou par amitié ou par un autre plaisir quelconque.

Platon, Phèdre, 232a7-232b6

Après plusieurs phrases dominées par le hasard, voilà tout d’un coup apparaître la nécessité, l’ἀνάγκη. Ce nouvel argument en faveur de ceux qui n’aiment pas se fonde sur la nécessité. La nécessité que les amoureux soient vus souvent ensemble, d’une part, et la nécessité de passer du temps en compagnie de quelqu’un, de l’autre.

La première nécessité est de nature probabiliste: puisque quand on est amoureux on se voit souvent, il est fort probable que quelqu’un voit les amoureux ensemble. La haute probabilité est prise par nécessité par Lysias, alors qu’en réalité il y a une énorme différence entre quelque chose de très probable et quelque chose de nécessaire. En logique probabiliste un évènement est nécessaire s’il se réalise dans tous les cas possibles. Alors que l’évènement dont parle Lysias se réalise dans plusieurs cas possibles mais non dans tous: il est très probable mais il est faux d’affirmer qu’il est nécessaire.

L’autre nécessité est d’ordre social, on pourrait dire. Ce n’est pas une nécessité statistique, mais un coutume, une habitude sociale généralisée: il faut bien fréquenter quelqu’un pour une raison ou pour une autre. Il est intéressant de souligner que Lysias revient ici sur le principe de raison suffisante qui détermine le fait que deux personnes se fréquentent: si on n’est pas amoureux, il y a quand même une raison quelconque qui fait qu’on se fréquente. Peu importe laquelle, mais il y en aura une. La nécessité de la fréquentation est générique: il faut bien fréquenter quelqu’un. Mais pourquoi fréquenter cette personne plutôt qu’une autre? Qu’est-ce qui détermine la réalisation de cet évènement par rapport à un autre?

Nous sommes face à une sorte d’anticipation de la logique des mondes possibles de Leibniz, et justement la question du principe de raison se pose de façon urgente, exactement comme dans le cas de Leibniz. Il nous faut un dieu qui justifie l’actualisation d’un et d’un seul monde possible. Et ce dieu, est ou bien le désir, ou bien l’amitié, ou alors un autre plaisir (ἡδονή). Il y a donc bien une raison qui fait que les non amoureux fréquentent les non aimés. Si ce n’est pas l’amour c’est quand même quelque chose qui lui ressemble.

ἀνάγκη, ἡδονή, Leibniz, principe de raison suffisante scholia