In Platonis Phaedrum Scholia: 231a2-a7

εὖ ποιέω, ἐπιθυμία, ἀνάγκη

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Φαῖδρος
ὡς ἐκείνοις μὲν τότε μεταμέλει ὧν ἂν εὖ ποιήσωσιν, ἐπειδὰν τῆς ἐπιθυμίας παύσωνται: τοῖς δὲ οὐκ ἔστι χρόνος ἐν ᾧ μεταγνῶναι προσήκει. οὐ γὰρ ὑπ᾽ ἀνάγκης ἀλλ᾽ ἑκόντες, ὡς ἂν ἄριστα περὶ τῶν οἰκείων βουλεύσαιντο, πρὸς τὴν δύναμιν τὴν αὑτῶν εὖ ποιοῦσιν.

Phèdre
Parce que ceux-là regrettent le bien qu'ils ont fait après que leur désir est fini; les autres il n'y a pas un moment où il changeront d'avis. En effet ils font du bien selon leur possibilité non pas par nécessité, mais par choix, après avoir prix en compte leurs intérêts

Platon, Phèdre, 231a2-231a7

Commence ici la liste des avantages et des inconvénients d’être et de ne pas être amoureux. Une séries d’oppositions, juxtaposées les unes après les autres. Ce qu’on veut démontrer c’est qu’il est dans l’intérêt d’une personne de se donner à quelqu’un qui ne l’aime pas - ou en tout cas d’avoir un quelque type de rapport avec lui (γενομένων τούτων).

Le premier argument se concentre sur la raison pour laquelle une personne ferait du bien (εὖ ποιέω) à une autre. Encore une fois la notion de faire du bien n’est pas définie. Qu’est-ce que cela signifie? Faire du bien en quel sens? Dans les termes de Lysias on comprend qu’il s’agit concrètement de faire l’intérêt de l’autre, peu importe de quelle nature soit cet intérêt: économique, intellectuel, sexuel. Il semble évident - mais jamais argumenté - qu’on peut faire des actions en vue de son propre bien ou en vue du bien d’un autre. Ces deux types d’actions semblent être opposées: ou je fais du bien pour l’autre, ou je fais du bien pour moi.

Les amoureux font du bien parce qu’ils sont pris par le désir (ἐπιθυμία). La cause de l’action faite pour l’autre est une situation particulière: celle de désirer. Or ce désir, qui n’est pas non plus défini, semble être incontrôlé et presque étranger par rapport à la personne. Il peut donc disparaître. Si la cause de la “bonne” action disparaît, alors non seulement il n’y aura plus de bonne action, mais en plus il y aura un regret des actions déjà accomplies. Le fait d’être pris par le désir correspond donc à un état de perte de soi, de perte de contrôle sur sa propre volonté. C’est comme si c’était quelqu’un d’autre qui agissait: le désir. Et une fois ce quelqu’un d’autre parti, la personne ne saura plus pourquoi ses actions ont été faites et elle les regrettera. L’action sous l’égide du désir n’est pas libre, elle est dictée par la nécessité, l’ἀνάγκη - on reviendra sur la nécessité quelques lignes plus bas dans le discours.

Celui qui n’aime pas, en revanche, est maître de soi. Il décide pour lui-même. Et donc - c’est Lysias l’homme d’affaire qui parle - il pense d’abord à ses propres intérêts. Puisqu’il agit de façon volontaire (ἑκών), il pense d’abord pour soi et penser pour soi signifie penser à ses propres profits, à ses propres avantages, à son organisation quotidienne, à ses économies. περὶ τῶν οἰκείων: ses affaires domestiques. Seulement après avoir bien réglé cela, le non aimant fera quelque chose pour l’autre, selon ses possibilités, donc sans exagérer. C’est la raison pour laquelle il ne pourra pas le regretter.

Une caractéristique du discours de Lysias commence à se préciser: ce discours qui se voulait provocateur, paradoxal et surprenant ne fait en réalité qu’affirmer des choses bien acceptées par le bon sens commun: c’est pourquoi Lysias n’a pas besoin de définir ce qu’est l’amour, ni ce que signifie “faire du bien”. Voyons donc, vous savez très bien ce que cela signifie que d’être amoureux! C’est quand vous n’êtes plus maîtres de vous-mêmes! Voyons donc, vous le savez ce que c’est que de faire du bien: c’est de faire les intérêts d’un autre! Et vous savez mesurer vos intérêts, vous n’avez pas besoin d’une définition!

Finalement le Lysias du Phèdre représente le bon sens commun que le Socrate d’Aristophane bouleverse de façon si ridicule. Peut-être le portrait de Socrate fait par Arisophane ne diverge pas autant du portrait fait par Platon: Socrate n’est pas du côté du bon sens tandis qu’un “sophiste” comme Lysias l’est finalement beaucoup plus qu’on ne le pense.

εὖ ποιέω, ἐπιθυμία, ἀνάγκη scholia