In Platonis Phaedrum Scholia: 230e6-231a1

τύχη, τυγχάνω

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Φαῖδρος
περὶ μὲν τῶν ἐμῶν πραγμάτων ἐπίστασαι, καὶ ὡς νομίζω συμφέρειν ἡμῖν γενομένων τούτων ἀκήκοας: ἀξιῶ δὲ μὴ διὰ τοῦτο ἀτυχῆσαι ὧν δέομαι, ὅτι οὐκ ἐραστὴς ὤν σου τυγχάνω.

Phèdre
Tu es au courant de ma situation, et tu as écouté comme je considère qu'en se produisant cela nous profiterait: je ne crois pas juste de ne pas obtenir ce que je demande juste parce qu'il se trouve que je ne suis pas amoureux de toi.

Platon, Phèdre, 230e6-231a1

Le discours de Lysias commence à l’enseigne de la τύχη: le hasard, la chance, ou la fortune… en tout cas quelque chose qu’on ne peut pas maîtriser. C’est la τύχη qu’on entend dans les deux verbes ἀτυχέω et τυγχάνω. Le premier, avec son alpha privatif, signifie être malchanceux et donc aussi ne pas obtenir quelque chose. La raison pour laquelle on manque de chance et on n’obtient pas ce qu’on demande est le fait que, par chance, par hasard, il se trouve qu’on n’est pas amoureux - la construction du verbe τυγχάνω plus le participe: il se trouve que je ne suis pas amoureux de toi.

Tout semble échapper au contrôle, y compris le point de départ du discours qui est laissé dans l’ombre à cause de l’incipit in medias res: quel est l’état de celui qui parle qui serait connu par celui qui écoute? Tu connais ma situation… laquelle? On devinera ensuite qu’on parle du fait de ne pas être amoureux: tu sais que je ne suis pas amoureux de toi. Mais est-ce vraiment celle-ci la situation évoquée avec l’expression περὶ μὲν τῶν ἐμῶν πραγμάτων? Nous ne le saurons jamais. En tout cas, même s’il s’agissait d’être ou de ne pas être amoureux, ce que signifie être amoureux n’est surement pas défini.

Le discours de Lysias démarre dans le flou et sur cette rhétorique du flou sera bâti. Les arguments s’ajoutent l’un sur l’autre, sans une logique claire.

Mais quelque chose est clair: on parle d’obtenir, de demander, d’affaires, d’arrangements, de profits. Lysias est un homme de droit, il pense en termes de contrats, d’avantages et inconvénients mesurables et quantifiables. Le flou des concepts correspond à une étrange précision sur les bénéfices et sur les intérêts. La juxtaposition des arguments fonctionnera donc comme une forme de décompte, une énumération du nombre de bonnes raisons pour conclure un accord, pour ratifier un contrat.

Par contre une question reste ouverte: s’il n’est pas amoureux, que veut exactement le parlant? Il considère que cela serait profitable si quelque chose se produisait (γενομένων τούτων). Quoi? Certes, on imagine que ce sont des faveurs sexuels qu’il demande. Mais pourquoi? S’il n’est pas amoureux, il ne devrait pas éprouver du désir. Ou alors il éprouve juste du désir sexuel sans amour, mais qu’est-ce que cela signifie? Les arguments qui suivent donneront davantage d’idées sur ce que signifie ici pour Lydias d’être ou de ne pas être amoureux.

τύχη, τυγχάνω scholia