In Platonis Phaedrum Scholia: Metalegomena 230e5

μετά

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μετά. Au milieu. Socrate le disait: nous sommes μεταξὺ τῶν λόγων, au milieu des discours. Il y a donc aussi des choses à dire, dans cette position interstitielle. Des discours au milieu des discours. Des choses à dire au milieu, des metalegomena. La pensée émerge toujours dans les interstices.

C’est en tout cas dans ce sens que la préposition μετά sera interprétée ici. Non pas comme “au delà”, ou alors dans sa signification temporelle en tant qu’“après”, mais comme “au milieu”, “entre”. C’est l’idée qu’exprime l’étymologie du mot “méthode”, “sur le chemin”, “au milieu du chemin”.

Il y a des choses à dire, au milieu des discours de Socrate et de Phèdre, dans ce lieu précis où la parole de Phèdre est suspendue entre le dialogue et la lecture.

Cet incipit du Phèdre révèle la complexité des arguments qui vont venir. Il rend impossible une interprétation unique et tranchée du dialogue. L’insistance sur l’ensemble des aspects matériels empêche de réduire le Phèdre à un dialogue de l’immatérialité. Cela empêche aussi d’accepter au premier degré la critique de l’écriture que l’on trouvera vers la fin.

Nous nous trouvons dans un encadrement qui fait penser à Calvino et à son Si par une nuit d’hiver un voyageur. C’est comme si on nous avait dit: tu as entre tes mains le Phèdre de Platon; allonge toi pour le lire, maintenant. Ou, si tu as de la chance, allonge toi pour que quelqu’un puisse te le lire.

Qui parle? Platon? Phèdre? Socrate? Le dialogue? Le livre?

Qui pense? Socrate? Platon? Phèdre? Le lecteur? Le livre?

Où sont les idées? Dans un lieu physique? Sous un arbre?

Et ne devrions-nous pas prendre en compte aussi d’autres éléments? Jusqu’ici nous avons compris, grâce aux échanges entre Phèdre et Socrate, que les conjonctures matérielles font la pensée: un lieu, une position, une situation, un livre… Mais n’oublions pas que nous sommes là dans la diégèse. Et pour comprendre notre lecture - et la pensée qui semble en découler - il est impératif de prendre en compte d’autres éléments. Où te trouves-tu, lecteur? Qu’es-tu en train de lire? Un billet de blogue? Un texte qui commente un texte? Mais quel texte? Copié où? Qui a écrit ce texte? Qui l’a inscrit, dans quel support? Qui l’a déjà commenté? Tu crois lire Platon, cher lecteur, mais tu lis deux-mille quatre cents ans de conjonctures: transcriptions, traductions, commentaires, manuscrits qui circulent de façon rocambolesque, aventures politiques, aléas de tout type, rencontres, lieux, configurations géopolitiques, positions de lecture et d’écriture, poussière et lumière dans des architectures désormais disparues.

C’est ça l’épaisseur et le goût de la pensée.

Et laissons maintenant parler Lysias - ou son discours, ou son discours lu par Phèdre, ou son discours lu par Phèdre et écrit par Platon, ou ses signes inscrits sur un disque dur après avoir été transcrits par une machine, qui les a transcrits à partir d’inscriptions faites par d’autres machines qui à leur tour retranscrivaient des retranscriptions dues à de myriades de conjonctures différentes, d’appareils techniques et de conditions sociales, culturelles naturelles… S’interroger sur le rôle de Lysias dans l’écriture de ce discours équivaut finalement à s’interroger sur l’impacte du battement d’ailes d’un papillon au Brésil sur une tornade au Texas.

μετά scholia