In Platonis Phaedrum Scholia: 230c8-d2

ξεναγέω, ἄτοπος, ἀτεχνῶς, ὑπερορία

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Φαῖδρος
σὺ δέ γε, ὦ θαυμάσιε, ἀτοπώτατός τις φαίνῃ. ἀτεχνῶς γάρ, ὃ λέγεις, ξεναγουμένῳ τινὶ καὶ οὐκ ἐπιχωρίῳ ἔοικας: οὕτως ἐκ τοῦ ἄστεος οὔτ᾽ εἰς τὴν ὑπερορίαν ἀποδημεῖς, οὔτ᾽ ἔξω τείχους ἔμοιγε δοκεῖς τὸ παράπαν ἐξιέναι.

Phèdre
Toi, merveilleux ami, tu te démontres vraiment extraordinaire. Comme tu dis, tu sembles perdu et conduit par un guide et tu ne sembles pas quelqu'un qui habite ici: en effet tu ne pars pas de la ville pour aller à l'étranger, mais tu ne m'a même pas l'aire de sortir simplement des murs.

Platon, Phèdre, 230c8-230d2

Phèdre se moque de Socrate, le penseur de l’intérieur. Socrate ne sort jamais. Non seulement il ne sort pas pour traverser la frontière d’Athènes (ὑπερορία) et aller dans une autre cité état , mais il ne sort même pas du centre ville, il ne met pas son pied à l’extérieur des murs. Socrate est sans moyens, perdu, paumé, dès qu’on le sort de ses quatre rues.

Les adjectifs et les adverbes qui soulignent cet état de confusion de Socrate une fois sorti d’Athènes méritent d’être analysés. Tout d’abord il est ἀτοπώτατός, superlatif de ἄτοπος. Littéralement: “sans lieu”, ou “ailleurs”. Socrate est étrange car il n’est pas du lieu, il n’a pas un lieu. C’est ce qui le rend extraordinaire. Est-ce un compliment? Certes, le terme est précédé par un autre adjectif, θαυμάσιος, merveilleux, qui semble positif. Mais θαυμάσιος aussi peut juste signifier “étrange”: quelque chose qui produit de l’émerveillement parce que c’est bizarre. Socrate est une drôle de bête. Il est comme un poisson hors de l’eau.

Il est ensuite défini par l’adjectif ἀτεχνῶς, un autre terme construit avec un alpha privatif: sans technique, sans moyens et donc perdu, incapable, inepte. Il est incapable et inepte dans ce lieu et il a donc besoin d’un guide, lui qui pourtant vit à Athènes et ne devrait pas se sentir un étranger dans son territoire.

Plusieurs questions surgissent dans ce passage. En premier lieu: Socrate est-il vraiment perdu? On vient de voir qu’en réalité il sait tout de ce lieu, c’est lui même qui en a décrit les caractéristiques, c’est lui qui a situé les différents mythes par rapport à l’espaces où ils se trouvent, c’est lui qui a répondu aux questions de Phèdre et pas l’inverse. Il y a donc une contradiction entre l’attitude de Socrate et ce qui se passe réellement dans le dialogue. En deuxième lieu: peut-on vraiment considérer qu’être ἄτοπος est une caractéristique positive? C’est ce que Socrate essaye de nous faire croire dans les prochaines répliques, mais peut-on vraiment préférer une pensée de l’intérieur à une pensée de l’extérieur? La tension entre ces deux pôles sera fondamentale par la suite.

ξεναγέω, ἄτοπος, ἀτεχνῶς, ὑπερορία scholia