In Platonis Phaedrum Scholia: 229d3-e3

ἄγροικος, σχολή, οἱ σοφοί

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Σωκράτης
ἐγὼ δέ, ὦ Φαῖδρε, ἄλλως μὲν τὰ τοιαῦτα χαρίεντα ἡγοῦμαι, λίαν δὲ δεινοῦ καὶ ἐπιπόνου καὶ οὐ πάνυ εὐτυχοῦς ἀνδρός, κατ᾽ ἄλλο μὲν οὐδέν, ὅτι δ᾽ αὐτῷ ἀνάγκη μετὰ τοῦτο τὸ τῶν Ἱπποκενταύρων εἶδος ἐπανορθοῦσθαι, καὶ αὖθις τὸ τῆς Χιμαίρας, καὶ ἐπιρρεῖ δὲ ὄχλος τοιούτων Γοργόνων καὶ Πηγάσων καὶ ἄλλων ἀμηχάνων πλήθη τε καὶ ἀτοπίαι τερατολόγων τινῶν φύσεων: αἷς εἴ τις ἀπιστῶν προσβιβᾷ κατὰ τὸ εἰκὸς ἕκαστον, ἅτε ἀγροίκῳ τινὶ σοφίᾳ χρώμενος, πολλῆς αὐτῷ σχολῆς δεήσει.

Socrate
Mais moi, Phèdre, je crois que ces choses sont agréables et propres d'un homme très intelligent, laborieux et pas vraiment chanceux. Ne serait-ce que parce qu'après avoir expliqué cela, il lui faudra interpréter la forme des Hippocentaures et encore de la Chimère, et il sera inondé d'une foule de Gorgones, de Pégases et d'un grand nombre d'autres créatures bizarres et de monstres étranges. Et si quelqu'un qui n'y croit pas se met à donner une explication pour chacun, avec une sorte de sagesse rustique, il lui faudra beaucoup de temps.

Platon, Phèdre, 229d3-229e3

Il y a donc une mauvaise oisiveté pour Socrate? Il faut trop de σχολή pour pouvoir se permettre le luxe de tout expliquer rationnellement. Et pourtant ce luxe - ce temps à perdre - est lié à une attitude rustique ἄγροικος ou mieux, à une sagesse rustique. La campagne revient pour signifier quelque chose de négatif d’inférieur. Car, semble nous dire Socrate, il y a perte de temps et perte de temps.

Mais qu’est-ce qui distingue les pertes de temps? Socrate est évidemment en train de dire que ceux qui s’amusent avec les discours à démontrer des choses inutiles perdent leur temps d’une mauvaise façon. Mais n’est-ce pas exactement ce qu’il est sur le point de faire? N’a-t-il pas suivi Phèdre pour écouter le discours d’un sophiste? Justement un discours qui, avec des arguments raffinés, démontre des choses improbables et finalement inutiles? Il a cité Pyndare pour dire qu’il préfère cette perte de temps à toute autre occupation.

Deux possibilités donc: il a menti et son but est un autre, ou alors il habite une contradiction. S’il a menti, en utilisant sa proverbiale ironie, alors peut-être Hermias a raison en soulignant la mission sotériologique de Socrate: il vient sur Terre pour sauver les êtres humains. Et donc son temps ici n’est pas dédié à écouter Lysias, mais à sauver Phèdre. C’est certes une possibilité, mais je préfère une version plus humaine de Socrate: il adore les discours, il les cherche, il délire de désir pour les écouter et en même temps il en comprend l’oisiveté. Tout cela est inutile. La rationalité est inutile. L’inutilité et la perte de temps sont finalement le seul salut.

ἄγροικος, σχολή, οἱ σοφοί scholia