In Platonis Phaedrum Scholia: 229e4-230a1

γέλοιος, σχολή, γράμμα, γνῶθι σεαυτόν

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Σωκράτης
ἐμοὶ δὲ πρὸς αὐτὰ οὐδαμῶς ἐστι σχολή: τὸ δὲ αἴτιον, ὦ φίλε, τούτου τόδε. οὐ δύναμαί πω κατὰ τὸ Δελφικὸν γράμμα γνῶναι ἐμαυτόν: γελοῖον δή μοι φαίνεται τοῦτο ἔτι ἀγνοοῦντα τὰ ἀλλότρια σκοπεῖν.

Socrate
Moi, je n'ai pas du tout de temps pour ces choses: la cause de cela, mon cher est la suivante: je ne peux pas encore, comme le dit l'inscription de Delphes, me connaître moi-même; sans savoir même pas cela, il me semble ridicule, d'enquêter sur ces choses bizares.

Platon, Phèdre, 229e4-230a1

Je n’ai pas de temps, pas de σχολή, pas de temps à perdre. Moi je suis sérieux. Socrate, mais tu as dis le contraire il y a quelques minutes! Tu viens de dire que tu as tout ton temps quand il s’agit d’écouter les discours d’un sophiste, et maintenant tu dis que tu n’en as pas, dans aucun cas (οὐδαμῶς)! Et puis tu nous fais la morale?

Le ton de Socrate est quelque peu pédant ici: la cause de cela est la suivante, mon cher… On a l’impression d’entendre le Grillon-qui-parle de Pinocchio. Il y a des choses sérieuses et des choses ridicules, du temps bien employé et du temps perdu. Il n’y a que les méchants enfants qui perdent du temps.

Mais voyons, Socrate! Depuis quand tu es devenu si bourgeois!

Mais ce ton finalement est équilibré par ce qui suit. La cause de ne pas avoir de temps à perdre est autant ridicule que les bêtes étranges dont les sages cherchent à expliquer la nature: je ne sais pas qui je suis. La question sérieuse, opposée aux questions ridicules (γέλοιος), est finalement comique. Socrate est tellement paumé qu’il ne sait même pas qui il est. À ajouter du ridicule à cette situation d’ignorance paradoxale est le fait que Socrate en est conscient grâce à une inscription (γράμμα): le fameux γνῶθι σεαυτόν inscrit sur le temple de Delphes. C’est l’écriture, donc, qui donne la connaissance, la seule connaissance importante, le fait d’être conscient de sa propre ignorance. L’inscription, la forme la plus évidemment matérielle de pensée est la seule pensée qui compte. Et finalement la sagesse qu’elle délivre est ridicule, c’est juste un jeu, un divertissement, une perte de temps ludique, comique, qui fait rire, qui empêche de se prendre au sérieux. Socrate est en effet un personnage de comédie et Aristophane a bien montré à quel point il peut faire rire.

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