In Platonis Phaedrum Scholia: 267b10-c5
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Σωκράτης
τὰ δὲ Πώλου πῶς φράσωμεν αὖ μουσεῖα λόγων—ὡς διπλασιολογίαν καὶ γνωμολογίαν καὶ εἰκονολογίαν —ὀνομάτων τε Λικυμνίων ἃ ἐκείνῳ ἐδωρήσατο πρὸς ποίησιν εὐεπείας;
Φαῖδρος
Πρωταγόρεια δέ, ὦ Σώκρατες, οὐκ ἦν μέντοι τοιαῦτ᾽ ἄττα;
Socrate
Et comment parlerons-nous des "Muses des discours" de Polus - à savoir de la répétition, du discours sentencieux, du discours imagé - et du "Dictionnaire de Licymnius", qui lui fut donné pour la composition du "Beau style"?
Phèdre
Il n'y avait pas, Socrate, des choses semblables aussi de Protagoras?.
Platon, Phèdre, 266d8-266e1
Un érudit se doit de connaître des livres. Commence ici toute une liste de titres - on dirait. Socrate est vraiment en train de se moquer de Phèdre et de ses amis sophistes en jouant le sophiste lui-même, en prenant l’attitude de ces érudits, qui citent beaucoup, qui utilisent des termes compliqués, qui parlent par allusions en faisant croire que derrière l’allusion il y a quelque chose de riche et profond alors que ce n’est pas le cas. On a l’impression, pendant cette longue mascarade de Socrate, d’être à un colloque universitaire.
Ainsi Polus a écrit un traité sur l’art oratoire, “Les muses des discours” μουσεῖα λόγων, ou pour traduire plus précisément “Les temples des muses des discours”, titre pompeux et vide. C’est dans ce traité - qu’il faut savoir citer si l’on veut être un bon sophiste - qu’il a inventé d’autres termes techniques pour dire des choses banales: la διπλασιολογία (dire deux fois la même chose), la εἰκονολογία (le fait de parler par images) et la γνωμολογία (le fait de parler par sentences).
On ajoute d’autres titres: le Dictoinnaire qu’un certain Licymnius aurait donné à Polus pour l’aider dans la composition d’un autre traité, sur l’art de parler de façon jolie: la εὐεπεία.
Phèdre n’a peut-être pas compris que Socrate est en train de se moquer - ou alors si, on ne le saura jamais - et il essaye donc d’être à la hauteur en citant lui aussi des œuvres et des noms. Il corrige Socrate en ajoutant le fait que Protagoras aurait aussi écrit quelque chose de semblable.
C’est ce type d’échange qui permet de rentrer dans le cercle des érudits: faire voir que l’on sait, faire voir que l’on connaît ce qu’il faut connaître, montrer sa sagesse et son érudition.
C’est tout le contraire que fait normalement Socrate qui affiche son ignorance…