In Platonis Phaedrum Scholia: 236d3-5

γελοῖος

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Σωκράτης
ἀλλ᾽, ὦ μακάριε Φαῖδρε, γελοῖος ἔσομαι παρ᾽ ἀγαθὸν ποιητὴν ἰδιώτης αὐτοσχεδιάζων περὶ τῶν αὐτῶν.

Socrate
Mais, cher Phèdre, je serai ridicule si en amateur j'improvise sur ces choses en compétition avec un bon poète.

Platon, Phèdre, 236d3-236d5

On arrête le ton de comédie et on revient au jeu de séduction. Mais le lien se fait avec la notion de ridicule: γελοῖος. Socrate ne veut pas se ridiculiser. Dans le jeu amoureux il s’agit de se découvrir, de se montrer, de risquer le ridicule. Et les préliminaires consistent à renvoyer le moment de se mettre à nu. Socrate veut-il se montrer à Phèdre? Le dialogue ne doit pas se transformer en comédie, il ne faudra pas rire comme on rit devant les actions grossières des personnages comiques. Mais dans un dialogue sur l’amour il y aura une pudeur - réelle ou feinte - avant de se montrer, avant de se donner à l’autre.

La pudeur se manifeste ici comme peur du ridicule. On se montre sans peur du ridicule seulement lorsqu’on est sûr de l’amour de l’autre. C’est à cela que sert le jeu de séduction.

Mais Socrate profite aussi pour se présenter en opposition à son rival; Lysias est un “bon poète”, lui il n’est qu’un amateur (ἰδιώτης). L’amateur représente par contre aussi l’authenticité. L’amateur improvise (αὐτοσχεδιάζω), il n’a pas préparé son discours et il dira donc probablement quelque chose de sincère.

Or nous savons très bien que Socrate ment ici: il ne se mettra pas à nu, il ne s’exposera pas au ridicule et il ne dira rien d’authentique. Au contraire, il se couvrira la tête, il feindra de penser quelque chose qu’il ne pense pas et il montrera d’abord ses capacités rhétoriques. Le premier discours de Socrate sera encore une fiction, une performance. Il n’y aura pas de don de soi, il n’y aura pas de mise à nu et il n’y aura pas de vérité.

γελοῖος scholia