La convergence des plateformes ou l'environnement-support

Âme et iPad, convergence, Derrida, Ecritures numériques et éditorialisation, Gérard Wormser, Henry Jenkins, Iri, Louise Merzeau, Maurizio Ferraris, McLuhan, Parcours numériques, plateforme, renren, séminaire, Sens Public, Université de Montréal, Valérie Jeanne-Perrier, Walter Benjamin, weibo

Notes prises lors de la 4e séance du séminaire "Écritures numériques et éditorialisation" :

La convergence des plateformes ou l'environnement-support

Aujourd'hui nous accueillons Maurizio Ferraris et Valérie Jeanne-Perrier pour parler de la convergence des plateformes. C'est une idée qui commence à devenir universelle... Je pense à la définition qu'en donne Henry Jenkins, mais aussi aux récents travaux de Louise Merzeau.

La question est à mon avis de comprendre si et comment on peut aller au-delà du web comme espace de communication. Les plateformes convergent en créant un véritable environnement où nous ne faisons pas seulement que communiquer : nous agissons dans le sens le plus plein du mot. La convergence des plateformes fait que le web est de plus un plus notre espace, le lieu que nous habitons. Ce n'est pas un médium, mais un environnement, où un espace architectural. J'ai déjà écrit un billet sur ce sujet.

Voici le descriptif de la séance et les questions que nous avons posées à nos intervenants :

Le principe de convergence, qui désignait il y a quelques années le décloisonnement entre les acteurs du contenu et des contenants, semble finalement se réaliser dans ce que l'on appelle l'expérience transmédiatique. Celle-ci résulte d'une expérience individuelle ou
collective d'accès aux contenus à travers des appareils, des interfaces et des usages diversifiés, constituant chacun de nouveaux points d'entrée dans les échanges et les flux de données.
L'expérience transmédiatique que décrit ainsi Louise Merzeau est directement liée à l'environnement, c'est-à-dire à la configuration spatiale, matérielle, logicielle dans laquelle l'usager se trouve. Le support devient donc environnement, grâce et à travers lequel nous
(inter)agissons.
Au regard de la multiplicité des pratiques, des supports, et des représentations qui constituent ensemble l'environnement-support, qu'est ce qui peut encore faire unité, quel est le plus petit dénominateur commun qui permet à cet environnement de faire sens ?
Quelles sont les nouvelles dynamiques qui opèrent dans la circulation des savoirs ?

Pour aborder cette problématique transversale, voici deux questions auxquelles les deux intervenants étaient invités à répondre de manière concise :

1. La notion d'environnement-support évoquée ci-dessus esquisse un cadre conceptuel nouveau pour aborder le support numérique. Diriez-vous que cette notion est appropriée pour décrire efficacement l'espace numérique et les profondes transformations des pratiques éditoriales ? Comment se positionne vos recherches/idées par rapport à l'environnement-support ?

2. Le web est le cadre d'une multitudes de pratiques : de la consultation d'informations ou de contenus multimodales, à la gestion de tâches privées ou professionnelles. De quelle manière cette convergence de ressources, services et représentations modifie les contenus éditoriaux ? Comment l'environnement négocie-t-il une certaine continuité nécessaire aux pratiques éditoriales ?

 

Présentation de Valérie Jeanne-Perrier

Quel est le plus petit dénominateur commun des différentes expériences numériques ? La notion d'architecte : pour n'importe quelle plateforme on construit un outil qui en est la condition de possibilité. L'environnement fait apparaitre les conditions de la communication. L'action des usagers produit la convergence.

Il y a des jeux de "petites formes" comme des éléments de grammaire.

En regardant des plateformes asiatiques dont on ne comprend pas le sens, on peut remarquer qu'il y a des règles formelles qui produisent le sens. On peut comprendre ce qui se passe et le sens des actions sur ces plateformes grâce à une sorte de grammaire qui les rend semblables à d'autres plateformes. Par exemple renren (réseau social chinois, comme Facebook) et weibo (Twitter asiatique)

Il y a quelque chose de l'ordre du non dit. Ce sont les architextes qui sont conçus par ceux qui écrivent le code et qui se retrouvent dans toutes les plateformes.

Weibo, même structure que Twitter.

On a donc un abécédaire, une grammaire des formes qui est transversale aux plateformes. Les cadres éditoriaux font que les utilisateurs peuvent se retrouver du côté de la production et de l'action. La grammaire est déjà là, donc tout ce qu'on fait est action.

 

Parenthèse : on pourrait peut-être penser ces architextes et ces grammaires comme structures spatiales. Nous sommes, dans ces exemples, dans le cadre de plateformes qui s'imitent : renren est une imitation de Facebook. Voilà pourquoi l'architexte est le même, c'est une copie ou une adaptation. La notion devient plus intéressante si on la pense comme structure spatiale. Bien évidemment on comprend que l'on peut s'asseoir sur une chaise même s'il n'y a pas de texte et, à la limite, on le comprendrait même si nous n'avions jamais vu de chaise (ou du moins de chaise de ce type particulier). Il s'agit de structures qui peuvent revenir et qui peuvent être déclinées. La question qui se pose, à nouveau, est celle du dispositif. Combien le dispositif préprogramme ? Où se situe la liberté ? J'en ai parlé dans un autre billet.

 

Maurizio Ferraris (pour approfondir la position de Maurizio, je renvoie à son livre Âme et iPad, publié dans la collection Parcours numériques et disponible en accès libre sur la plateforme de la collection.

Le but des réseaux sociaux est de faire faire, comme le disait Valérie. Ainsi, on devrait abandonner l'idée de médium traditionnel. Il ne s'agit pas de moyens de communication. Le fait de faire faire, typique du numérique, produit une mobilisation totale : on est mobilisé à tout instant, pour travailler tout le temps. Il faudrait se demander quelle est la source de la normativité du numérique.

Les outils sont normatifs. Quand nous regardons le portable la nuit pour connaître l'heure, nous répondons aux courriels même si c'est pour le travail. Nous sommes mobilisés par la normativité de l'outil.

Le portable par exemple : c'est un outil pour parler qui a évolué en un instrument pour écrire. Pour que ces instruments s'insèrent dans le système, il faut qu'ils puissent enregistrer. Et le fait d'enregistrer implique que ces outils permettent de construire la réalité sociale.

La prévision de McLuhan sur la disparition de l'écriture ne s'est pas réalisée. La raison en est le fait que l'écriture reste. Verba volant scripta manent. L'enregistrement est fondamental, voilà pourquoi les appareils comme les téléphones sont devenus des supports de mémoire.

Le web est l'un des plus grands dispositifs d'enregistrement. Nous pouvons y faire tout une série d'actes sociaux (acheter, vendre, etc.) dans le même dispositif. Le système médial est plutôt un système social.

Dans De la grammatologie, Derrida dit qu'il y aura une explosion de l'écriture. Pour que quelque chose existe d'un point de vue social, il faut du texte. Rien de social n'existe en dehors du texte.

La philosophie du web est une philosophie de l'action.

Gérard Wormser souligne que le primat de l'écrit s'accompagne de la distinction entre réel et représentation (cf Benjamin, fin de l'aura et fin de la présence).

L'écriture devient donc action pure ? Le côté réflexif disparaît ?

Ferraris : Le code est toujours une prescription. Comment garder la liberté ? Déjà en comprenant. La réflexion libère.

J'ai souvent écrit que l'éthicité et l'éthique sont la même chose

 

Âme et iPad, convergence, Derrida, Ecritures numériques et éditorialisation, Gérard Wormser, Henry Jenkins, Iri, Louise Merzeau, Maurizio Ferraris, McLuhan, Parcours numériques, plateforme, renren, séminaire, Sens Public, Université de Montréal, Valérie Jeanne-Perrier, Walter Benjamin, weibo Atelier, Numérique